Concern Worldwide est une Organisation Non-Gouvernementale qui travaille en Haïti depuis 1994 et à Saut-d’Eau depuis 1999. Elle intervient à travers des programmes de gestion des risques et désastres, de réponse aux urgences et des programmes de développement touchant l’agriculture, l’eau et l’assainissement, la nutrition, l’éducation et l’amélioration des conditions de vie des personnes vulnérables.

Concern Worldwide conduit régulièrement des enquêtes sur ses terrains d’intervention afin d’adapter son plan stratégique national aux évolutions humanitaires à l’œuvre. En février 2012, une analyse contextuelle a été réalisée dans les quatre sections communales de Saut-d’Eau pour identifier l’étendue des besoins et des problèmes rencontrés par les foyers vulnérables de la zone. Il en est ressorti l’importance d’une meilleure compréhension des déterminants socio-économiques impactant le développement durable de ces foyers. Après s’être consacré depuis le séisme de 2010 à des programmes de réponse à l’urgence et de réhabilitation, Concern Worldwide est aujourd’hui engagé dans des programmes de développement à forte consonance communautaire financés par l’officine de coopération du gouvernement irlandais, Irish Aid.

2. CONTEXTE DE L’ETUDE

La commune de Saut-d’Eau est située dans le département du Centre, plus précisément dans le Bas Plateau Central à environ 100 km de Port-au-Prince. Elle a une population de 36,500 habitants et s’étend sur une superficie de 178.83 km2 répartie sur quatre sections : Rivière Canot, La Selle, Coupe Mardi Gras et Montagne Terrible. La commune est reliée à la route nationale 1 par une route en non asphaltée de bonne qualité via Titanyen et à Mirebalais via une route récemment asphaltée. Un plan de développement communal a été préparé en 2008 en présente un premier diagnostic de la situation agricole. Il est désormais nécessaire d’actualiser les éléments relatifs à la situation agricole en établissant une étude détaillée des systèmes agraires actuels afin d’obtenir une meilleure connaissance de la structure des exploitations familiales et de mettre en œuvre un accompagnement personnalisé en corrélation avec leurs besoins.

L’objectif général du projet actuel financé par Irish Aid est de contribuer à la sécurité alimentaire par la diversification agricole, la création d’opportunités génératrices de revenus, le renforcement des capacités communautaires et l’atténuation des risques naturels de la zone. Il peut se décliner en plusieurs objectifs:

• Augmenter la production agricole afin d’accroitre la disponibilité alimentaire au niveau des ménages et la promotion de l’accès au marché.
• Diversifier les sources de revenus pour soutenir les populations vulnérables et promouvoir la prestation de services liée à l’agriculture.
• Autonomiser les communautés et les groupes, planifier et contrôler les activités au sein des villages.
• Renforcer les capacités locales dans le domaine de la gestion des ressources naturelles (eau, sols, forêts) pour atténuer les risques de désastres.
 

L’objectif de l’étude est donc en premier lieu de définir les conditions réelles dans lesquelles opèrent les producteurs, déterminer leurs intérêts et leurs contraintes. Ce n’est qu’en second lieu que l’on pourra envisager à partir de cette situation, des actions visant à infléchir le développement agricole. L’intervention doit être raisonnée, dans la mesure où elle se fonde sur une connaissance préalable de la réalité et où elle vise à lever des contraintes ou à modifier des intérêts individuels en gardant un objectif d’intérêt général pour les communautés, infléchissant ainsi les tendances évolutives. Cette acquisition préalable de connaissances permettra de construire l’analyse de diagnostic.
Concern Worldwide doit acquérir une compréhension globale des systèmes agraires pour la commune et une compréhension particulièrement approfondie des sections communales de Montagne Terrible, Rivière Canot et La Selle. L’étude s’appuiera sur les résultats des recherches déjà disponibles et qui seront communiquées à l’équipe de consultants retenue afin d’éviter toute duplication. L’objectif ici est de détailler les différents milieux agro-écologiques rencontrés, les types de production agricoles, les marchés et les échanges commerciaux.
Cette étude portera sur les conditions de diversification agricole à travers la mise en lumière de 2 à 4 filières potentielles, questionnant la faisabilité technique des productions, leur rentabilité économique et leur accès au marché ainsi que les conditions et incidences sociales liées à leur développement, en s’attaquant ainsi aux trois dimensions de la pauvreté (actifs, inégalité, vulnérabilité aux désastres). Un travail de cartographie accompagnera ce processus, faisant apparaitre les zones les plus appropriées pour la mise en place d’une filière donnée et détaillant les différentes étapes pour introduire ces nouvelles productions.
L’étude doit permettre de définir le potentiel et les avantages comparatifs des productions actuelles et leur impact sur les différentes couches socio-économiques de la population ainsi que leur impact environnemental. Une attention particulière sera portée sur la culture des tubercules, la culture maraichère et micro-irrigation de jardins, sur l’élevage (caprin, bovin, porcin) ainsi que sur le sisal et la production de charbon de bois. Sur ce dernier point, l’étude devra s’intéresser aux pratiques liées à la fabrication du charbon, apprécier leur impact environnemental, indiquer si des pratiques s’avèrent plus durables et proposer une stratégie de vulgarisation le cas échéant.
L’étude évaluera également la faisabilité technique et la pertinence du développement de la culture du sisal comme source de fourrage (pulpe) pour les caprins, délimitation des parcelles/protection de sols et pour la production de fibre (vocation commerciale). L’accent sera mis en parallèle sur la vulgarisation des principes de l’agriculture de conservation (rotation des cultures, couvert végétal permanent/paillis et absence du labour/semis direct), en considérant les pratiques actuelles et les risques liés, mais aussi les caractéristiques pédologiques et climatiques et l’attitude des paysans sur le sujet.
L’étude devra enfin permettre à Concern de préparer un projet d’appui aux plus vulnérables à travers une approche filière sur une durée de 3 années.
 
4. METHODOLOGIE
Le Consultant (l’équipe de consultants) aura pour mission de réaliser un diagnostic agraire qui servira d’outil de réflexion, de formation et d’action. Ce type de diagnostic doit permettre de caractériser et d’expliquer les situations agraires, d’identifier et de hiérarchiser les préoccupations et les difficultés que vivent les paysans, de mettre en évidence les problèmes qui mériteraient un approfondissement et enfin d’amorcer un processus ciblé de recherche de solution avec les intéressés. La méthodologie suivante est recommandée:
- Observation, description et compréhension des paysages agraires
Les paysages agraires témoignent à la fois des ressources biophysiques dont dispose Saut-d’Eau et des pratiques de culture et d’élevage qui ont transformé les écosystèmes originels. Dans quel espace, sur quels écosystèmes les paysans vivent et travaillent ? Quelles sont leurs activités économiques et sociales ? Comment pratiquent-ils l’agriculture, l’élevage ou la transformation (fabrication de charbon par exemple) ? Pourquoi utilisent-ils telle ou telle technique ?
- Histoire des paysages, repérage des transformations anciennes et contemporaines de l’agriculture et de l’élevage, reconstitution de leur dynamique
Le paysage n’est pas immuable. Il est le résultat d’une construction historique et de pratiques agraires. Si son évolution récente est connue, on peut percevoir les dynamiques expliquant le développement de la zone concernée. Comment et quand le paysage a-t-il été transformé ? Quelles zones ont connu le plus de modifications et pourquoi ? Quelle est l’évolution générale de l’agriculture et de la société rurale ? Quels sont les grands facteurs qui déterminent cette évolution ? Qu’est-ce qui a disparu ? Qu’est-ce qui est nouveau ? Quelles sont les dynamiques particulières d’innovation et les conditions dans lesquelles elles se déroulent ? Les dynamiques générales une fois connues, on pourra approfondir l’observation des pratiques des agriculteurs dans les différentes zones agro-écologiques.
- Identification et analyse des principaux systèmes de culture et d’élevage
Quelles sont les différentes façons de cultiver ? Quelles sont les différentes façons d’élever le bétail ? Durant cette étape, on s’attachera à identifier, à caractériser et à comprendre les différentes pratiques de culture et d’élevage mises en place par les agriculteurs, mais aussi à mesurer les performances techniques et économiques de ces différents systèmes (transformation des produits). On cherchera ici à mettre en évidence les différents itinéraires techniques et les différences de performances agronomiques et économiques compte-tenu des situations de chacun des agriculteurs ou des groupes auxquels ils se rattachent.
- Analyse des systèmes de production, mesure de leur performance économique, réflexion sur leurs perspectives d’avenir
Il s’agira ici de comprendre quels sont les grands modes d’organisation de la production agricole, c’est-à-dire comment les unités familiales de production ou les groupes sociaux combinent dans l’espace et dans le temps plusieurs systèmes de culture et d’élevage. La conduite de ces différents types d’unités de production est généralement conditionnée par l’accès au foncier, à la main d’œuvre et au capital. Apres une caractérisation fine de chaque système de production et des modalités de son fonctionnement, on essaiera d’en mesurer l’efficacité économique ainsi que les revenus dégagés.
 
- Restitution des résultats aux représentants des villages étudiés et aux agents de développement
Une ébauche de ces travaux du diagnostic devra être présentée de manière compréhensible aux représentants agricoles des villages étudiés en présence de professionnels d’institution de formation, de développement ainsi que des représentants des pouvoirs publics. Les résultats seront discutés, comparés, amendés et complétés avec les remarques des agriculteurs et de l’ensemble des acteurs de développement durable.
- Valorisation des résultats et positionnement de la démarche dans un processus de recherche, formation et développement
Généralement, la restitution de ces travaux d’observation, d’écoute et de diagnostic agraire achève une première phase d’un processus de recherche-action en matière de développement rural. Ces résultats peuvent être exploités pour accompagner et aider des groupes d’agriculteurs en recherche de solutions pour résoudre les principaux problèmes qui les préoccupent, mais aussi pour construire des programmes de formation et/ou de recherche appropriés pour les différentes catégories d’agriculteurs et d’agents de développement, et enfin pour regrouper et capitaliser la « connaissance » produite localement pour la diffuser auprès de tous les acteurs concernés par le développement rural sur la commune.

- Approche systémique & échelles d’analyse
Le Consultant devra recourir lors de ce diagnostic agraire à une approche systémique portant sur des échelles d’analyse de plus en plus fines. Les observations devront être conduites en considérant au moins quatre échelles :
 La commune, pour identifier les grands ensembles et bassins d’activités afin de situer les villages étudiés dans leur contexte économique le plus proche mais aussi pour comprendre les modes de mise en valeur du territoire
 Le village (ou a localité), puisqu’il représente une unité territoriale et humaine accessible avec des règles généralement partagées de gestion des ressources
 L’unité de production, niveau auquel on peut appréhender les formes d’organisation sociale et familiale régissant les choix de production, la gestion de main d’œuvre, la mobilisation des outils de production et du patrimoine
 La parcelle et/ou le troupeau, ou l’agronome dialogue avec les agriculteurs sur les itinéraires techniques qu’ils mettent en œuvre
L’identification et la hiérarchisation des principaux problèmes seront obtenues par l’observation, la collecte et l’analyse d’informations primaires, et non à partir de principes théoriques ou de l’opinion de certains acteurs. Les démarches mises en œuvre devront s’appuyer essentiellement sur l’observation in situ et sur l’écoute de toutes catégories d’acteurs concernés par le développement rural avec, cependant, une priorité pour les agriculteurs, qui vivent au quotidien les dures réalités des transformations économiques, techniques et sociales.

 
5. ROLES ET RESPONSABILITES
Le Consultant assumera les tâches spécifiques suivantes, sans s’y limiter :
1. Élaborer un plan de travail global qui dirigera la recherche
2. Examiner les documents du projet remis par Concern
3. Collecter les données secondaires pertinentes et les analyser
4. Concevoir et tester des outils et une méthodologie pour l'enquête sur le terrain
5. Recruter, former et encadrer les équipes sur les outils et la méthodologie
6. Conduire le travail sur le terrain et combiner les données qualitatives et quantitatives
7. Organiser les entretiens, planifier les rencontres et les déplacements sur le terrain
8. Faire l'analyse des données
9. Rédiger le rapport de l’étude (ébauche et version finale)
Concern assumera les tâches suivantes:
1. Fournir un espace de bureau à Saut-d’Eau avec connexion à Internet
2. Fournir les documents pertinents en format électronique pour faciliter l’étude:
a. Document de projet « Irish Aid » Saut-d’Eau
b. Document « Comment Concern Comprend la Pauvreté »
c. Rapport de l’Analyse Contextuelle (La Gonâve et Saut-d’Eau)
3. Fournir les documents relatifs au contexte agricole et les plans de développements locaux en sa possession
4. Fournir les contacts des personnes clés à Saut-d’Eau

6. RESULTATS / EXTRANTS ESCOMPTES
Le Consultant remettra à Concern les documents suivants:
1. Le plan d’action de l’étude tel que suivi et défini en accord avec Concern Worldwide ;
2. Un document décrivant la méthodologie appliquée et les exemplaires des différents outils utilisés ;
3. Une ébauche de rapport ;
4. Une présentation (type PowerPoint) présentant les grandes lignes de l’étude, les conclusions et recommandations ;
5. Un rapport final ne dépassant pas 60 pages validé par Concern et incluant les matériaux suivants :
a. Un résumé en une page
b. Une cartographie des différentes zones agro-écologiques de Saut-d’Eau (localisation des cultures, zones de pâturage) à l’échelle 1/50,000
c. Une analyse du foncier avec estimations des proportions des propriétaires (déclarés / en présence de titres), fermiers en affermage, en métayage et sans-terre, et estimation des surfaces utiles de chaque groupe
d. Un calendrier agricole spécifique à chaque production principale
e. Un recensement des variétés végétales et races animales produites et leur importance respective
f. Une estimation des rendements habituels des productions citées ci-dessus
g. Une analyse de performance économique des systèmes de production
h. Une analyse spécifique sur le potentiel de micro-irrigation de jardins par puits
i. Une analyse spécifique sur l’agriculture de conservation
j. Une analyse spécifique sur les pratiques de fabrication de charbon
k. Une analyse spécifique sur la culture du sisal
l. Une analyse détaillée des acteurs clés du secteur agricole (production et transformation, intrants, conseil technique, agents de santé animale etc.) et leur implication potentielle dans tout projet pilote ou projet de développement futur
m. La typologie des exploitations agricoles (élevage inclus) précisant les niveaux de rentabilité et les rapports sociaux entre les différents groupes socio-économiques
n. Les marchés locaux, flux commerciaux et débouchés (incluant les débouchés situés hors de la zone) et prix des produits au cours de la filière

L’équipe de consultants doit détenir les qualifications suivantes :
Formation :
- Diplôme d’Ingénieur, de Master ou de Doctorat en Agronomie, Agroéconomie, Développement Rural ou équivalent avec au moins sept années d’expérience pertinente.
Capacités Techniques et de Management & Expérience :
Essentielle:
- Au moins 7 ans d’expérience au sein de projets agricoles, de projets de filières, de projets en développement rural en Haiti ou dans les Caraïbes
- Au moins 5 ans d’expérience de l’évaluation de projet et la conduite de diagnostic agraires
- Maitrise des outils d’évaluation participative en zones rurales (PRA, HLSA, CRISTAL, CEDRA)
- Parfaite maitrise du français et du créole avec de très bonnes capacités de rédaction en français
- Bonne connaissance et expérience pratique du travail avec des communautés locales
- Capacité à définir les besoins et priorités des populations vulnérables
- Parfaite maîtrise des logiciels Word & Excel
- Parfaite maîtrise de la cartographie et des logiciels de SIG et de design (AutoCAD ou autre) et des systèmes de GPS et de l’environnement GoogleEarth
- Bonne connaissance et sensibilisation aux risques de catastrophes naturels et menaces qui y sont liées sur les systèmes de production agricole
- Expérience précédente avec une ONG internationale.
Souhaitée:
- Expérience antérieure à Saut-d’Eau
- Expérience au sein du MARDNR ou du secteur privé agro-alimentaire
- La maitrise de l’anglais est un plus

Semaine # 1 : Revue des documents existants au bureau de Concern à Port-au-Prince
Discussion avec le Coordinateur FIM
Déplacement à Saut-d’Eau
Rencontre et discussions avec la Coordinatrice de zone et les partenaires locaux
Visites de repérage sur le terrain
Semaines # 2 – 4 : Continuation des visites de terrain & test des outils
Finalisation de la méthodologie et des outils en coordination avec Concern
Formation des équipes recrutées par le Consultant localement
Conduite de l’étude / collecte de données à Saut-d’Eau (dont 90% du temps sur les 3 sections de Montagne Terrible, Rivière Canot et La Selle)
Rencontre des acteurs pertinents des filières clés retenues (incluant les représentants des autorités du MARNDR et des acteurs du secteur privé lucratif)
Semaine # 5 : Saisie et analyse des données
Préparation et remise de l’ébauche de rapport à Concern
Organisation d’un atelier de présentation de l’ébauche de rapport à Concern et aux partenaires (incluant les conclusions, les filières clés à prioriser, les recommandations d’orientation techniques…)
Prise en compte des considérations de Concern et des partenaires, rencontres ad-hoc, visites complémentaires sur le terrain
Semaine # 6 : Finalisation du rapport et soumission à Concern

Le choix du/de la consultant (e) s’effectuera sur la base des critères suivants :
- Compréhension du sujet et présentation de la problématique
- Méthodologie proposée
- Compétences, qualifications et expériences du consultant et de son équipe éventuelle
- Prix des prestations
- Organisation générale (chronogramme), délais d’exécution, mobilisation d’autres intervenants
- Références auprès de clients précédents.

Les dossiers de candidature doivent inclure :
- Un document de 3 pages résumant le cadre général du diagnostic, la méthodologie/les échantillons d’enquête, tout commentaire ou toute suggestion sur les Termes de référence
- CV du/de la consultant (e) et de son équipe éventuelle
- Copies des diplômes et certificats pertinents
- Exemplaires d’évaluations passées
- Une offre financière détaillée précisant les postes de dépense et coûts unitaires et coûts totaux respectifs

Les questions éventuelles sont à adresser avant le 15 novembre à 15h à :
Vincent Potier
Vincent.potier@concern.net