Le State Building Contract II (SBC II), financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France, vise à renforcer la résilience de l’État haïtien et à créer un environnement favorable à une croissance économique durable, inclusive et soutenue. Lancé en 2018, il s’inscrit dans un contexte marqué par une instabilité sociopolitique persistante et une insécurité généralisée, mais a su démontrer une capacité d’adaptation et produire des résultats tangibles, reconnus par les autorités haïtiennes et les partenaires techniques et financiers.
En juin 2024, au vu de ses résultats, une enveloppe a été accordée, élargissant le champ d’intervention du projet. Cette extension vise à consolider les acquis, intégrer de nouvelles activités et répondre aux besoins émergents identifiés par l’État haïtien. Elle traduit la confiance renouvelée de l’UE dans l’efficacité du dispositif et de sa volonté de renforcer son impact institutionnel et économique.
Le projet met désormais un accent particulier sur la coordination entre les niveaux central et local de l’administration publique, avec un focus sur deux secteurs clés : le fiscal et le douanier. Ces domaines sont essentiels à la mobilisation des ressources internes et à la sécurisation des recettes publiques. À travers ses appuis techniques, le SBC II soutient la stratégie nationale de mobilisation des recettes, tout en accompagnant le renforcement des capacités institutionnelles pour une croissance inclusive et durable.
Au-delà du volet financier, le SBC II agit comme un catalyseur de modernisation de l’administration publique. Il promeut la transparence, les bonnes pratiques de gouvernance et une meilleure articulation entre les institutions. Ces avancées renforcent l’efficacité de l’action publique et contribuent à restaurer la confiance entre l’État et ses partenaires.
En définitive, le SBC II constitue une étape clé dans la modernisation de l’État haïtien. En consolidant les institutions, en améliorant la mobilisation des ressources domestiques et en favorisant une gestion plus efficace des finances publiques, il contribue à la construction d’un contrat social renouvelé, fondé sur la responsabilité, la confiance et la recherche d’un avenir commun plus stable et prospère.
Contexte et justification du besoin
La Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP) est appelée à jouer un rôle central dans la gestion actuelle des Finances Publiques. Elle devrait centraliser et sécuriser les ressources de l’État, planifier la trésorerie et veiller à la discipline budgétaire, à la transparence et à la soutenabilité financière.
Pourtant, l’exercice effectif de ce rôle stratégique est affaibli par plusieurs contraintes d’ordre juridique et institutionnel. Il est constaté que le cadre juridique, réglementaire et normatif qui encadre les missions de la DGTCP, montre certaines limites structurelles qui fragilisent l’efficacité de ses actions. Devant la multiplication des acteurs et des dispositifs, la complexité des interrelations et l’enchevêtrement des ramifications dans la chaine de gestion des finances publiques, les rôles dévolus à la DGTCP sont morcelés et les missions diluées. L’origine de ces contraintes est multidimensionnelle. On en retient :
• Existence de dispositions sans textes d’application : Plusieurs textes législatifs fondateurs existent et prévoient des compétences ou des mécanismes spécifiques en faveur du Trésor. Mais, les textes d’application (arrêtés, décrets d’exécution, circulaires) indispensables pour opérationnaliser ces dispositions ne sont jamais édités ou sont publiés avec un retard considérable, rendant certaines dispositions inopérantes.
• Cadre juridique dépassé ou obsolète : Une partie de la réglementation en vigueur remonte à des périodes antérieures, parfois décalées par rapport aux réalités actuelles de la gestion moderne de la trésorerie. Certaines normes sont dépassées au regard de l’évolution des finances publiques modernes (digitalisation, paiements électroniques, gestion intégrée de la trésorerie, Compte Unique du Trésor). L’absence de mise à jour fragilise la pertinence des règles et ouvre la voie à des pratiques parallèles qui contournent l’autorité du Trésor.
• Dispositions non appliquées : Dans plusieurs cas, des articles de loi imposent la centralisation des recettes ou interdisent la fragmentation des comptes publics, mais ces obligations ne sont pas respectées dans les faits. Cette non-application s’explique souvent par des résistances institutionnelles, des intérêts divergents entre administrations, ou une faiblesse des mécanismes de contrôle et de sanction.
• Prolifération d’acteurs concurrents : Des chevauchements institutionnels persistent, entraînant une dilution du rôle de caissier de l’État ; ce qui compromet la visibilité globale des finances de l’État. Faute de textes clairs et appliqués, d’autres institutions interviennent dans des segments relevant normalement du Trésor (gestion directe de comptes publics, perception de certaines redevances, gestion de fonds spéciaux).
Cet état des faits met en évidence un double déficit : juridique, avec des vides normatifs et des contradictions entre textes, et opérationnel, marqué par la non-application de dispositions renforçant le rôle du Trésor. En effet sur ce dernier aspect, il faut souligner que depuis la loi du 17 août 1979, la fonction de caissier de l’État, normalement attribuée au Trésor public, est assurée par la BRH. Or, la Loi du 4 mai 2016 (LEELF), qui repositionne la responsabilité du MEF et de la DGTCP dans la gestion de la trésorerie de l’Etat révélant ainsi un écart profond entre le cadre légal et la réalité institutionnelle. Le maintien de la BRH comme caissier de l’État engendre des dysfonctionnements systémiques :
- Sur le plan administratif et budgétaire, il crée une rupture dans la chaîne de dépense publique et ralentit l’exécution budgétaire malgré les réformes en cours (SIGFiP, CUT).
- Sur le plan de la comptabilité publique, l’absence de contrôle direct du Trésor empêche la consolidation des comptes et la visibilité en temps réel de la trésorerie de l’État.
- Enfin, sur le plan politique, cette confusion des rôles compromet à la fois l’indépendance de la BRH et la crédibilité de l’administration financière.
Pour corriger ce dysfonctionnement, il est impératif que le Trésor public haïtien prenne pleinement en charge son rôle légal de caissier de l'État, comme le veut la LEELF qui précise que ce rôle est joué à titre transitoire par la BRH et que la direction chargée du Trésor et de la Comptabilité devra le récupérer lorsque les conditions seront réunies.
Dans ce contexte, il devient impératif de procéder à un diagnostic juridique approfondi du dispositif encadrant les missions et attributions de la DGTCP, afin :
• d’identifier les vides et incohérences juridiques ;
• de recenser les dispositions existantes mais non appliquées ;
• d’évaluer les impacts de ces lacunes sur l’efficacité de la mission de la DGT ;
• de proposer un plan de renforcement normatif et réglementaire.
Ce travail de fond doit permettre aussi d’identifier le chemin parcouru dans la mise en place des conditions nécessaires et d’établir une stratégie claire de récupération du rôle du Trésor comme caissier unique de l’État.
Résumé du poste :
Assistance technique à la DGTCP pour un diagnostic juridique du cadre légal des missions et attributions de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP) jusqu’à la formulation et la mise en œuvre d’un plan stratégique de récupération du rôle de caissier de l’Etat par le Trésor Public.
Objectifs et résultats poursuivis
1) Objectifs
Objectif Principal
Dresser un diagnostic profond du cadre normatif des missions et attributions de la DGTCP. Cet exercice se fera en vue de l’élaboration d’un plan de renforcement juridique et de la préparation d’une stratégie de réaffirmation du rôle de caissier unique de la DGTCP. Ladite stratégie sera accompagnée d’une feuille de route opérationnelle sur le court, moyen et long terme favorisant le développement et la consolidation institutionnelle, administrative et technique de la DGTCP lui permettant d'assumer pleinement et durablement ses missions.
Objectifs Spécifiques
i. Identifier les forces et faiblesses du cadre juridique et normatif qui soutient la mission et les attributions de la DGTCP. L’objectif est de dresser un état des lieux complet de l’arsenal législatif et réglementaire encadrant la DGTCP en mettant en évidence des dispositions pertinentes qui soutiennent efficacement ses missions actuelles et les limites et insuffisances de certains textes, notamment lorsqu’ils ne répondent plus aux besoins contemporains de gestion des finances publiques (digitalisation, modernisation des paiements, gestion intégrée de la trésorerie).
ii. Détecter les vides juridiques et les incohérences normatives. Il s’agit de mettre en lumière les domaines d’intervention de la DGTCP échappant à son cadre juridique, les contradictions éventuelles entre différentes normes juridiques (par exemple entre lois de finances, décrets et arrêtés) qui créent des zones d’incertitude juridique et les risques liés à ces vides normatifs, qui peuvent conduire à une perte d’autorité ou à une dispersion des missions du Trésor.
iii. Recenser les dispositions légales existantes mais inapplicables, faute de textes d’exécution. De nombreux textes en matière de gestion des finances publiques prévoient des dispositions qui restent lettre morte, faute de décrets, arrêtés ou circulaires d’application. L’objectif est donc d’une part d’établir une cartographie précise de ces dispositions inopérantes et d’autre part d’analyser les impacts de cette absence de textes d’application sur l’efficacité de la DGTCP afin de proposer la rédaction ou la mise en place rapide de ces textes pour rendre le dispositif juridique pleinement opérationnel.
iv. Évaluer l’impact de la non-application de certaines règles sur les missions et attributions de la DGTCP, en particulier sur son rôle de caissier de l’État. La mission fondamentale de caissier de l’État repose sur le principe d’unité de caisse et de centralisation des fonds publics. Cet objectif vise donc à mesurer concrètement les effets des lacunes relatives à la non-application de certaines règles sur la capacité du Trésor à exercer son rôle de manière optimale.
v. Proposer et mettre en œuvre un plan de renforcement juridique et une stratégie de réaffirmation du rôle du Trésor. À partir des constats établis, la mission devra formuler des recommandations concrètes, organisées autour de deux volets :
Renforcement juridique : élaboration ou mise à jour des textes manquants, révision des dispositions obsolètes, adoption des textes d’application nécessaires, harmonisation avec les standards internationaux de gestion des finances publiques.
Récupération stratégique : mise en place d’une feuille de route pour restaurer la pleine autorité du Trésor en tant que caissier unique de l’État, renforcement de la centralisation des recettes et des paiements, et promotion de la transparence et de la traçabilité de toutes les opérations financières publiques.
1) Résultats à atteindre
o Un rapport de diagnostic juridique avec identification claire des vides juridiques, les insuffisances et les contradictions normatives.
o Des recommandations précises pour combler les lacunes et mettre à jour le cadre normatif.
o Une proposition de base juridique solide pour accompagner la modernisation du système de gestion financière (digitalisation, intégration bancaire, CUT).
o Un renforcement de la mission de caissier unique de l’État par l’élimination des zones d’ombre qui favorisent la dispersion des fonds publics et la perte de contrôle sur les disponibilités de l’État.
o Une stratégie de renforcement et de repositionnement institutionnel de la DGTCP avec les composantes juridiques, opérationnelles, technologiques et techniques, élaborée, validée et mise en œuvre selon la feuille de route opérationnelle pour la récupération effective du rôle de caissier de l’Etat.
V. Description de la mission
Dans le cadre de la poursuite des réformes des finances publiques et du renforcement des capacités institutionnelles, cette mission d’assistance technique vise à accompagner la DGTCP dans la mise à niveau de son cadre juridique et institutionnel afin de lui permettre de remplir pleinement sa mission de caissier de l’État, en conformité avec les standards internationaux de gestion des finances publiques.
Activités prévues
Préparation et cadrage de la mission : élaboration du plan de travail détaillé de l’assistance technique et de la note de cadrage ou rapport de démarrage
Inventaire des textes existants : lois organiques, lois de finances, décrets, arrêtés, circulaires.
Cartographie du cadre juridique : répartition des compétences et articulation entre DGTCP et autres institutions (banques, régies financières et autorités de contrôle).
Identification des lacunes :
o Textes votés mais dépourvus de décrets ou arrêtés d’application.
o Dispositions obsolètes ou contradictoires.
o Normes non appliquées.
Analyse comparative : benchmark avec les standards internationaux sur l’exécution des missions dévolues à la DGTCP.
Réalisation d’entretiens et d’ateliers avec les parties prenantes et discussions autour des causes (institutionnelles, politiques, techniques…) empêchant la DGTCP d’exercer son rôle de caissier de l’Etat.
Validation des constats identifiés :
o Vides juridiques.
o Textes dépassés.
o Dispositions non appliquées.
Elaboration et validation du plan de renforcement juridique
Définition de la stratégie de réaffirmation du rôle de caissier unique
Préparation et validation de la feuille de route
Interlocuteurs principaux
o Directeur Général Adjoint chargé de la gestion du Trésor
o Comité Sectoriel de Suivi des Réformes du Trésor (COSRET)
o Commission de Réforme des Finances Publiques et de la Gouvernance Economique (CRFP-GE)
o Directeur des Systèmes d’Information de la DGTCP
o Directeurs Techniques et Chefs de Service de la DGTCP
Livrables attendus
Livrables Date de livraison
1. Note de cadrage et méthodologie Semaine 1-2
2. Cartographie du cadre juridique et inventaire des textes Semaine 5
3. Rapport intermédiaire d’analyse avec matrice de conformité juridique, cartographie institutionnelle et tableaux des risques juridiques et institutionnels Semaine 8
4. Rapport de diagnostic consolidé et recommandations avec benchmark international Semaine 10
5. Plan de renforcement juridique Semaine 12
6. Stratégie de réaffirmation du rôle du Trésor Semaine 14
7. Feuille de route opérationnelle Semaine 14
8. Propositions de drafts des textes manquants Semaine 18
9. Rapport final de diagnostic et plan de mise en œuvre Mois 5
10. Etat d’avancement de mise en œuvre de la stratégie Mois 6-9 (mensuel)
11. Rapport de mise en œuvre de la feuille de route opérationnelle de court terme Mois 9
Coordination
La mission sera sous la supervision directe du Directeur Général Adjoint du Trésor et du COSRET en étroite collaboration avec le Ministère des Finances et les partenaires techniques et financiers.
Méthodologie
La mission d’assistance technique est prévue d’être progressive, participative (implication des services de la DGTCP et du prestataire) et orientée aux résultats (livrables concrets à chaque étape). Pour cela, la mission impliquera :
- Des réunions de cadrage avec les acteurs clés sur place ou en bimodal ;
- Des ateliers de travail avec les bénéficiaires et les parties prenantes ;
- Des interactions bilatérales ;
- Des séances de travail avec le prestataire ;
- Un suivi-évaluation des résultats obtenus.
Lieu, Durée et Modalités d’exécution
1) Période de mise en œuvre : 6-8 mois
2) Date de démarrage : janvier 2026
3) Date de fin : Juin – août 2026
4) Durée effective de la prestation : 90 H/J
5) Modalités d’exécution de la mission : Présentiel (30% à Port-au-Prince) et 70% distanciel
6) Planning/calendrier :
Activités Période
Elaboration du plan d’activité détaillé de l’assistance technique (Rapport de démarrage) : réunion de démarrage et rencontre des parties prenantes Semaine 1-2
Inventaire des textes et élaboration de la cartographie du cadre juridique Semaine 3-4
Elaboration du rapport intermédiaire d’analyse avec matrice de conformité juridique, cartographie institutionnelle et tableaux des risques juridiques et institutionnels Semaine 5
Ateliers de travail avec les parties prenantes Semaine 6
Elaboration et soumission de rapport de diagnostic consolidé et recommandations avec benchmark international Semaine 8-10
Présentation et validation du rapport diagnostic Semaine 11
Formulation du plan de renforcement juridique Semaine 12
Définition et validation de la stratégie de réaffirmation du rôle du Trésor et de la feuille de route opérationnelle Semaine 12-14
Formulation et soumission des propositions des drafts des textes manquants Semaine 15-17
Elaboration et validation du rapport final de diagnostic et plan de mise en œuvre Semaine 18-20
Suivi de la mise en œuvre de la stratégie et note d’état d’avancement Mois 6 à 8
Elaboration du rapport de mise en œuvre de la feuille de route opérationnelle de court terme
Elaboration et soumission du rapport final de la mission
Compétences et qualifications requises :
Formation académique
• Diplôme supérieur en droit public, droit financier, sciences politiques, économie publique ou gestion des finances publiques.
• Idéalement un Master/Doctorat spécialisé en droit public financier, gouvernance financière, ou réformes institutionnelles.
• Des certifications ou formations complémentaires en gestion des finances publiques (GFP), audit juridique, ou normes internationales (FMI, Banque Mondiale, UEMOA, CEMAC, OCDE, etc.) seraient un atout.
05/11/2025 à 14:38
Type de contrat : Contrat de prestation de service
Domaine d’expertise : Juridique ; Gouvernance économique et financière
Durée de la mission : Court terme / 6 à 8 mois
Programme : State Building Contract II
Financement : Fonds européens
Pouvoir adjudicateur : EXPERTISE FRANCE
Date limite de la candidature
Les offres doivent être en possession du pouvoir adjudicateur au plus tard le 28/11/2025 à 10 :00 H Heure de Paris.