A la recherche des réformes agraires réussies pour Haitide Université Russell-Kant (UR-K)| JobPaw.com

A la recherche des réformes agraires réussies pour Haiti


À la recherche des réformes agraires réussies pour Haïti.
Les vocables ‘réformes agraires’ ne sont pas étrangers à un haïtien. D’ailleurs, l’esprit de construction de la nation a été largement influencé par l’abondance de richesse que la mise en valeur des terres agricoles pouvait procurer aux nouveaux citoyens. Cependant,au lendemain de 1804, il fallait trouver un moyen légal pour la redistribution des terres qui appartenaient aux colons, sans diminuer leur productivité. Il faut dire qu’à cette époque, la propriété était symbole de liberté.
De Platon à Rousseau, le concept de propriété privée a toujours été une source de conflit traversant des générations et ceci dans toutes les civilisations humaines.
Dans son discours sur ‘L’origine de l’inégalité’, Jean-Jacques Rousseau écrivit à la veille de la révolution française que ‘le premier qui, ayant enclos du terrain, s’avisa de dire : ‘Ceci est à moi’ et trouva des gens assez simples pour le croire fut le vrai fondateur de la société civile. Gardez-vous d’écouter cet imposteur, vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne. Quand les héritages se furent accrus en nombre et en étendue au point de couvrir le sol entier et de se toucher tous, les uns ne purent plus s’agrandir qu’aux dépens des autres. De là commencèrent à naitre la domination et la servitude’.
Ces phrases décrivent parfaitement comment l’accumulation de la propriété privée engendre progressivement la domination, la servitude et plus tard l’inégalité. Et c’est à juste titre, dans un pays en situation d’Etat de droit, il est indispensable que des réformes agraires se réalisent afin de garantir le caractère légal des actes d’expropriation au profit de la production agricole.
Mais, ces réformes, ont-elles réussi à restaurer l’égalité parmi nos concitoyens ? Se révèlent-elles un outil de développement économique et donc de création et de distribution juste de la richesse en Haïti ?
En prenant en compte diverses définitions, je suis arrivé à comprendre qu’idéalement, ‘une réforme agraire est une décision politique soutenue par un texte de loi ayant pour but de mettre à la disposition de paysans et aujourd’hui des agriculteurs, des terres cultivables, en les confisquant à leurs propriétaires. Etant donné que la politique considérée comme science de la réalité, a pour objectif de travailler à l’amélioration des conditions de vie d’une communauté libre, cette réforme doit nécessairement prendre en compte des mesures d’accompagnement, telles la mise en place des produits de crédits, la création de subventions incitatives, des formations continues et adaptées, mais modernes, et enfin la consolidation des terres’.
Même avec ces mesures, les réformes agraires ne sont pas sans conséquence. En effet, très tôt dans la Rome Antique, la question agraire mise à plat par la LexSemproniaagraria proposée par les Gracques (Tibérius et Caius Sempronius Gracchus ) entraîna des guerres sociales et politiques.
Après le colonialisme et la Révolution industrielle, des décisions de réformes agraires ont été prises partout dans le monde. On peut citer le cas de l’Uruguay en 1815, le Mexique en 1917, la Chine communiste en 1953 et le Zimbabwe dans les années 2000.

Mais quelle est la philosophie à l’origine d’une réforme agraire ?
Initialement, cette mesure est prise pour empêcher de multiplier des titres légaux pour la même superficie, d’assurer le bien-être social et rétablir le droit à la dignité. Elle peut aussi viser le développement économique. C’est le cas pour certains pays du Tiers-Monde asiatique au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, tels Taiwan et Corée du Sud.
En Afrique, les réformes agraires ont été adoptées afin que les gouvernements puissent avoir un meilleur contrôle du cadastre agricole. C’est le cas de l’Afrique du Sud en 1994. Au Zimbabwe, ces mesures ont malheureusement favorisé des proches du gouvernement en place, au détriment des agriculteurs.
En Amérique Latine, certains pays ont adopté des réformes comme mesure d’apaisements sociaux : c’est le cas du Nicaragua.
Le Brésil les a considérées comme facteur de croissance dès 1930, avec le président Getúlio Vargas.
Selon la FAO, qui avait félicité le Vénézuela en janvier 2013, pour le succès de sa politique de souveraineté alimentaire, l’ancien président Hugo Chávez de son vivant, avait décrété le Plan Zamora pour redistribuer les terres du gouvernement et celles qui sont privées et inutilisées aux paysans qui en ont besoin. Depuis plus d’une décennie, le gouvernement vénézuélien a déjà remis plus d’un million d’hectares de terres aux peuples indigènes du pays. Cette réforme agraire a permis à des dizaines de milliers de paysans de posséder leurs terres. Ceci représente une distribution totale de plus de 3 millions d’hectares de terres.
Ces mesures ont grandement profité à la production agricole nationale, car jusqu’en 1999, le Venezuela ne produisait que 51% des aliments qu’il consommait. Alors que depuis 2012 la production est de 71%.
En Amérique du Nord, les réformes du Canada avaient pour objectif de racheter les terres qui appartenaient à l’aristocratie anglaise et à les redistribuer aux fermiers.
En Asie, l’exemple de réforme la plus réussie est celle de l’Inde. Je veux attirer votre attention sur l'important mouvement de distribution et de collectivisation volontaire et non-violente de terres agricoles, initié par Vinoba Bhave, un disciple de Gandhi. De 1951 à 1970 il a réussi à distribuer, de manière non-autoritaire, plus de 550,000 km2 de terres.
Au Moyen orient, la réforme agraire de l’Iran, issue de la Révolution blanche du Shah de 1963 a permis à 90% de métayers iraniens de devenir propriétaires de leurs terres.
En Europe, l’exemple de réforme non violente est celui de la Suède.
Le cas de la République d’Haïti
Pour reprendre Michel Hector, lors de sa participation au colloque sur ‘Les Paysans dans la Nation Haïtienne’ du 3 au 5 octobre 1986, il y a toujours eu deux (2) philosophies en termes de perspective de réforme agraire, en Haïti. La première qui croit fermement que la terre doit appartenir au monde paysan haïtien et la seconde qui comprend cette réforme dans une perspective de développement économique pour le pays et par conséquent adopte la grande propriété.
Les fondements de la première est que la terre doit appartenir à ceux qui la cultivent. La deuxième trouve ses origines dès 1793 avec les commissaires civils Sonthonax et Polvérel. La République d’Haïti n’était pas encore née. A cette époque, il fallait trouver une solution au problème des colons émigrés.
Aujourd’hui encore en 2014, le problème de la distribution des terres cultivables reste entier. D’abord, il y a la question du dimensionnement. Il y a toute une histoireliée à la dimension des parcelles. Rappelez-vous, les règlements de Sonthonax et de Toussaint interdisaient les ventes de propriétés de moins de 50 carreaux. Pétion, à travers son code rural, réduisit la dimension minimale à 10 carreaux.
Ensuite, Jean-Pierre Boyer était revenu à la dimension de 50 carreaux, mais fit des concessions de 5 carreaux aux personnes qu’il surnomma les bons cultivateurs. Ce fut le caractère illégal de cette réforme. Avec NissageSaget, en 1870, une loi fera même des concessions de 3 carreaux aux militaires cantonnés dans la campagne du Sud. Enfin, je veux rappeler la loi du 26 février 1883 de Salomon qui autorisa des concessions de 3 à 5 carreaux, ainsi que celle du 12 février 1934 de Sténio Vincent qui n’autorisa pas plus de 5 hectares.

Les décisions politiques de réforme du système agraire les plus vivantes de la mémoire collective haïtienne restent celles prises au lendemain de l’investiture de l’ancien président René Préval, lors de son premier mandat. Il y a eu beaucoup de mouvements autour de cette décision. Mais on aura retenu seulement la fin des conflits à armes blanches des paysans de l’Artibonite. Ce qui est un mérite d’un point de vue de gestion de conflit terrien, mais se révèle insuffisant pour atteindre des objectifs économiques construits sur le développement du secteur agricole. Durant son second mandat, il a créé le Groupe de Travail sur l’Agriculture (GTA) qui avait pour mission d’aider le ministère de l’agriculture à se doter d’une politique agricole et de développement rural pour Haïti. Je n’ai pas eu connaissance du rapport de cette commission présidentielle.
Le décret du 29 avril 1995portant sur le fonctionnement de l’institution responsable des réformes agraires en Haïti, à savoir l’Institut National de la Réforme Agraire (INARA),n’a pas été voté par le parlement haïtien à l’époqueetla loi-cadre sur la réforme agraire aujourd’hui a eu le même sort.

En lisant ces lignes, certains diront pourquoi je n’ai pas cité Jean-Jacques Dessalines. Effectivement, l’Empereur avait de très bonnes intentions en matière de réforme du système agraire, au lendemain de l’indépendance. Il avait commencé à dénoncer l'exclusion économique des ‘pauvres noirs’ sans terre. Malheureusement, ses idées n’ont pas eu le temps de mûrir.
D’autres diront aussi que je n’ai pas mentionné le ‘Code Rural Dr François Duvalier (août 1984)’, non plus.C’est vrai. Mais ce code ne constitue nullement une loi portant sur une quelconque réforme du système agraire du pays. D’ailleurs, il a été préparé par le ministère de la justice de l’époque. Néanmoins, il constitue un ensemble de dispositions visant à régir l’organisation et le fonctionnement du monde rural haïtien. On y traite des questions relatives à l’organisation de la section rurale, de la pêche, de l’élevage, du fonctionnement de la police rurale, etc.
Les ingrédients pour des réformes agraires réussies
D’abord, toute réforme agraire doit avoir (1) une philosophie ou une vision. Il est indispensable que ces mesures agraires aient un objectif social-politique. Et c’est en répondant à la question pourquoi réformer le système agraire qu’on sera en mesure de définir les autres paramètres à prendre en considération. Cette vision peut être de (i) permettre aux personnes qui travaillent la terre de la posséder (réparation) ; (ii) développer la grande propriété afin de rendre rentable le secteur agricole à des fins de sécurisation alimentaire et d’exportation (choix économique) ; (iii) prévenir ou apaiser des conflits socio-politiques (programme d’apaisement social).
Ensuite, il y a la question du (2) dimensionnement. Dépendamment de la philosophie adoptée, il y a une dimension minimale au-delà de laquelle, le morcellement n’est plus possible. Ce facteur peut conduire à l’échec de la réforme s’il n’est pas bien défini. Dans l’analyse devant conduire à l’établissement de la superficie minimale, il faut obligatoirement être capable de dénombrer totalement les terres cultivables susceptibles d’être mises en valeur. C’est à ce niveau qu’intervient le cadastre.
A la question de dimensionnement s’ajoutent les (3) mesures d’accompagnement de la réforme agraire. Aucune réforme agraire ne peut réussir, dans ce contexte de mondialisation, sans ces mesures. Elles sont incontournables!
Trois (3) paramètres sont à considérer : (i) Les produits de crédits agricoles. Il ne s’agit pas de simples Institutions de Micro-Finances, mais de véritables Banques agricoles de développement, de crédits et d’investissement. Je pense qu’on doit être très sérieux sur la nécessité de financer ces réformes. Qu’on se le rappelle, l’un des plus grands échecs du développement du secteur agricole en Haïti reste et demeure le financement qui est trop faible, voire presqu’inexistant. Le Bureau de Crédit Agricole (BCA) n’est plus en mesure de répondre à des objectifs de réformes dans ce nouveau contexte de développement dudit secteur ; (ii) Les services institutionnels déconcentrés. J’entends par ces mots la prise en compte de la formation sur les métiers de l’agriculture au niveau professionnel, mais aussi au niveau du 1e cycle universitaire. Il faut replacer l’agronomie dans son contexte agricole. A noter qu’il y a une grande différence entre les mots Agronomie et Agriculture. Le premier s’occupe surtout de l’établissement des normes et des principes afin d’optimiser les résultats obtenus lors de la pratique de l’agriculture. Elle est une science de réflexion sur l’agriculture. Le second est surtout l’application de ces connaissances. Ainsi, l’ingénieur-agronome cherche à savoir le comment des mécanismes de cette pratique dans l’objectif de les améliorer. C’est pourquoi, il doit avoir une connaissance pointue du mode d’organisation de l’espace physique, social, économique et politique (organisation de la société : rurale ou urbaine, les ménages ; marché : offre, demande, prix ; politique agraire : réformes agraires, etc.). Car, dans un monde où les crises agricoles sont courantes, dans un pays où le secteur agricole contribue, jusqu’à récemment, à plus de 25% du PIB, il est plus que jamais urgent que les professionnels de l’agronomie maitrisent, à un haut niveau, les principes qui sous-tendent les activités agricoles, en particulier, la production végétale, afin de contribuer significativement, d’un point de vue scientifique et technique, à l’amélioration de la production nationale dans ce domaine du secteur d’activité. Par ailleurs, les Techniciens agricoles ont un rôle incontournable à jouer, en ce sens qu’ils s’établissent en intermédiaire entre les agriculteurs et les ingénieurs-agronomes qui doivent être de véritables scientifiques. Les institutions légalement établies sont concernées par la réforme. En Haïti, on peut considérer l’Institut National de la Réforme Agraire (INARA) qui a un rôle majeur à jouer, ainsi que les Bureaux Agricoles Communaux. Ilsfont office de pilotage (opérationnalisation), de coordination et de poursuite des réformes. D’autres institutions non-gouvernementales devraient être intégrées dans le processus de la réforme, car elles appuient des associations paysannes d’agriculteurs (production, conservation et commercialisation), dans les domaines de la formation, d’accompagnement institutionnel et organisationnel et du financement sous formes de subvention, pour lesquelles, ces mesures ont été prises. On ne peut pas non plus oublier le rôle de l’Institut National de la Formation Professionnelle (INFP). Sa responsabilité ne s’arrête pas à l’inspection et à l’autorisation de fonctionnement des centres de formation professionnelle agricole, mais doit se donner les moyens pour mener des programmes conjoints avec d’autres institutions concernées afin de garantir le recyclage des agriculteurs à tous les niveaux(commercialisation, comptabilité, marketing stratégique, recherche de nouveaux marchés, etc.) ; (iii) L’aspect légal. La décision de réformer le système agraire n’est pas envisageable en dehors de la loi. Et ce texte de loi doit sortir d’un projet social négocié avec toutes les parties prenantes du secteur agricole. Il ne faut pas oublier que les réformes agraires sont également un outil politique capable d’attirer l’investissement direct étranger. A titre d’exemple, Paul Moral dans son livre ‘Le paysan haïtien : étude sur la vie rurale en Haïti’, interpréta la loi du 26 février 1883 de Salomon comme une première tentative d’attirer le capital étranger. Plus tard, Borno dira, cité par Franck Blaise dans son ouvrage intitulé ‘Le régime foncier en Haïti’, ‘qu’un meilleur système réside dans la collaboration d’agriculteurs instruits et munis de capitaux, même si ces agriculteurs ne sont pas haïtiens’. Ces idées ont été reprises par le ministre de l’agriculture, Sébastien Hilaire, de la seconde administration de l’ancien président Aristide en parlant ‘d’une nouvelle classe d’agriculteurs’.
S’ajoute aussi le concept de (4) marché. Les réformes doivent obligatoirement visées un marché. Les civilisations meurent à partir du moment où elles ne sont plus en mesure de soutenir leur commercialisation. Dans le présent contexte économique mondial, ne pas pouvoir commercialiser est digne d’une sanction économique. C’est pourquoi il est essentiel de ne pas abandonner les denrées d’exportation. Je prends en considération deux (2) exemples historiques qui appuient mon analyse. Il s’agit du règlement de Polvérel, en date du 7 février 1794, qui incita les cultivateurs à ne pas étendre exagérément leurs places à vivres au détriment de la culture collective des denrées exportables, et de l’article 1e de la loi de février 1883 de Salomon qui retenait comme critère pour être un bénéficiaire potentiel d’une parcelle la garantie que ‘Tout citoyen qui s’engagera à cultiver les denrées suivantes : café, canne-à-sucre, coton, cacao, tabac, indigo, ramie et tous autres produits d’exportation, ...’.
Ensuite, les décisions politiques qui conduisent à une réforme agraire doivent être motivés par (5) la justice sociale.Je la conçois comme John Rawls, qui dans son livre titré ‘Théorie de la justice (1791)’ écrivit qu’une société est juste si elle respecte la garantie des libertés de base égales pour tous, l’égalité des chances et le maintien des seules inégalités qui profitent aux plus défavorisés.Ainsi, il sera inconcevable que l’Etat face du mal à ses citoyens. Car il existe par eux et pour eux. Et c’est à ce prix seulement que cette réforme du système agraire se réalisera sans heurts ou presque, dans la non-violence physique.Par ailleurs, les réformes agraires nécessitent également (6) des moyens de mise en œuvre. Qu’on ne se trompe pas, l’administration qui désirera continuer une action pareille doit trouver les moyens de sa politique. Plusieurs chemins sont possibles : (i) création de nouvelles taxes. Dans l’état actuel du pays, je crois fermement que la taxation n’est pas appropriée. Car, il faut que la population active ait un emploi pour payer des impôts et taxes supplémentaires ; (ii) utilisation de la loi des finances publiques comme levier. Dans ce cas, la priorité des priorités sera accordée aux organismes chargés de la mise en œuvre des réformes du système agraire. Il ne devrait pas y avoir de demi-mesure en faisant de la machination politique. Il s’agit d’une question technique qui doit être appréciée avec expertise ; (iii) la participation citoyenne. Il est indispensable que les citoyens comprennent et participent à leur niveau à la mise en œuvre des réformes agraires. Pour y arriver, on choisira des méthodes de mobilisation communautaire et institutionnelle appropriée. Je veux insister sur la nécessité de ne pas sombrer dans le propagandisme, mais de préférence, de continuer à multiplier les efforts pour une communication orientée vers l’information et la formation des concernés (citoyens). Enfin, il convient d’établir (7) un dispositif d’évaluation de la réforme. Les réformes agraires, comme toute construction humaine, ne sont pas parfaites. Elles doivent être corrigées et réorientées progressivement durant les différentes phases de leur mise en œuvre. Etant donné qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une politique publique, elles constituent un ensemble d’activités coordonnées, réalisées avec pour but d'obtenir une modification ou une évolution de la situation agraire. Ainsi, elles doivent être évaluées de manière périodique afin de juger de la qualité des résultats obtenus et de la perception des parties prenantes par rapport à ceux-ci (les résultats). Je reprends ici la définition de la Commission Européenne, qui traduit très bien l’ambiance de l’évaluation qui consiste ‘à analyser les résultats …, pour savoir si celle-ci (réforme agraire) a atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Plus largement, l’évaluation vise à la construction d’un jugement sur la valeur de l’intervention …, qui se fonde sur ses résultats, ses impacts et les besoins que cette intervention cherche à satisfaire’ et s’appuyant sur des données empiriques collectées et analysées spécifiquement à cet effet’. L’évaluation est incontournable et demeure la pierre d’achoppement des réformes qui ont été menées et échouées en Haïti. Et c’est à juste titre que je plaide pour la création d’une Secrétairerie d’Etat à l’Evaluation des Stratégies (Politiques) Publiques qui est indispensable pour un pays comme Haïti, ne pouvant pas se donner le luxe de dépenser une centime sans attendre un résultat durable.
Quelles solutions aux problèmes agraires haïtiens ?
Je crois que la question de l’exploitation des terres agricoles ne doit pas être considérée comme une faveur. Autrement, les problèmes qu’une telle réforme pourrait générer, continueront à hanter Haïti de génération en génération. Dans ‘Problématique de la pauvreté et bidonvilisation en Haïti’on y lit que ‘la question agraire posée au lendemain même de l'indépendance d'Haïti malgré les divers traumatismes sociaux dont elle est responsable à titre principal, n'a encore trouvé de solution adéquate. Elle s'inscrit en filigrane dans la trame de tous les bouleversements, de tous les conflits qui jalonnent plus d'un siècle et demi d'histoire nationale. Le paysan haïtien, toujours en butte de tracasseries de l'administration, défend chaque jour, pouce par pouce, sa propriété constamment menacée. L'essor démographique, en faisant essaimer les cultivateurs sur les domaniales et même sur les ‘habitations’ des propriétaires absentéistes, favorisa çà et là le développement de la petite propriété au cours d'un siècle et demi’.
Les potentiels exploitants des domaines terriens n’ont aucune assistance. Comme conséquence, un exode rural prononcé et à un rythme exponentiel ; source principale du phénomène de bidonvilisation.
La FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) dès 1988 disait déjà que les ruraux haïtiens vivaient pour la plupart, dans la pauvreté absolue.
Les nombreuses études publiées durant ces dix (10) dernières années sont sans appel. La dernière en date, est celle réalisée avec les données de la Banque Mondiale et publiée en septembre 2012 par le Wall Street Journal, où Haïti est aujourd’hui, le pays le plus pauvre du monde avec 77% de sa population qui vit dans la pauvreté. Haïti est semblable à un pays qui est en guerre depuis 25 ans !

En définitive, je veux attirer votre attention sur le fait que dans le contexte du commerce international, certains dimensionnements de parcelles ne sont pas favorables aux technologies modernes de maximisation de profits. Ils encouragent de préférence des systèmes d’exploitations familiales qui à mon humble opinion ne peuvent sortir le monde paysan haïtien de la pauvreté, ni concurrencer l’international à l’échelle régionale.
Il est important que toute politique de réforme agraire sorte de la spirale de la succession de gouvernements pour être efficace. L’instabilité est l’ennemi numéro un du progrès. De plus, il faut parler des réformes agraires (au pluriel) et non de réforme agraire (au singulier). Il faut agir sur la durée si on veut arriver à un développement rural intégré. Les institutions doivent être en mesure de se modifier, au besoin, pour poursuivre et atteindre les objectifs des réformes du système agraire haïtien.
Ces réformes doivent avoir comme objectifs socio-politiques de réduire l’inégalité, source d’instabilité. Par conséquent, elles doivent être considérées, au niveau étatique, comme des investissements et devront apparaitre très clairement dans les lois de finances publiques.
Je ne veux pas oublier de mentionner que ces réformes pour être menées à bien, ont besoin d’une équipe qualifiée, compétente et performante. Rejeter le clientélisme comme critère de choix de cette équipe est toujours la clé de la réussite de celles-ci.
C’est à un gouvernement ou à une administration qui fera preuve de discernement, de volonté et d’intelligence politique ainsi que de la sensibilité à la culture scientifique que reviendra la médaille d’or de la réussite des réformes agraires dans ce pays.

Bibliographie des documents consultés mais non cités dans l’article
- Deshommes Fritz. (2006). Haïti : La Nation Ecartelée - Entre « plan Américain » et Projet National. Editions Cahiers Universitaires ;
- François Blancpain (2003): La condition des paysans haïtiens - Du Code noir aux Codes ruraux. Editions Karthala, Paris, 2003, p. 64 ;


JEAN-FRANÇOIS Jacob Eliézer Jonas
Directeur Général
Institut National des Filières Agricoles (INAFA)
Ingénieur-Agronome, LicenciéGestionnaire de Projets, M.Sc.
Maitrisarden Économie du développement Doctorant en Sciences de l’Éducation - option: Biologie et Sciences de la vie.
Téléphone (portable): 509-3-620-6381 Skype: elieze44
Rubrique: Economie
Auteur: Université Russell-Kant (UR-K) | jonasii2@hotmail.com
Date: 18 Aout 2015
Liste complète des mémoires et travaux de recherche