L'audit de performance: une corde de plus à l’arc de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA)?de Marc Claude| JobPaw.com

L'audit de performance: une corde de plus à l’arc de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA)?


Ce billet vise à promouvoir la pratique de l'audit de performance dans le secteur public haïtien. Spécifiquement, l'auteur suggère de systématiser la pratique de l'audit de performance à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) en vue d’un meilleur contrôle parlementaire sur les finances publiques.
La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) est une instance autonome et indépendante que le parlement haïtien a légalement mandatée d’effectuer le contrôle financier, administratif et juridictionnel des entités gouvernementales (décret du 4 novembre 1983; articles 200 à 205 de la Constitution de 1987, décret du 23 novembre 2005) [1]. Pourtant, de l’avis de certains praticiens et universitaires, [2] la portée de son mandat est encore trop restreinte : sa fonction relative à l’évaluation de l’utilisation optimale de ressources publiques est quasiment inopérante. En sorte que, dans les faits, la CSCCA effectue des audits financiers et des audits de conformité aux lois sans aller jusqu’à effectuer des audits de performance en vue d’assurer le contrôle de la gestion publique dans un souci d’économie, d’efficience et d’efficacité. [3]

En quoi cela pose-t-il problème? C’est que la vérification que les Instituts Supérieurs de Contrôle (ISC) sont appelés à performer auprès des entités gouvernementales consiste fondamentalement en une vérification intégrée. Celle-ci comporte trois volets : l’attestation financière, la vérification de conformité des opérations avec les lois, les règlements, les politiques et les directives, et l’audit de performance. En somme, le contrôle effectif des finances publiques comprend une portée bien plus large que celle à laquelle la CSC/CA est astreinte.

En l’absence d’audit de performance, il est difficile d’évaluer la mesure d’utilisation optimale des ressources publiques. Par conséquent, il s’avère un défi de s’assurer que les affaires publiques sont gérées de façon optimale et que les administrateurs publics sont responsables de leur gestion et en rendent compte. Dans un tel contexte, les risques de gaspillage, d’improductivité, et d’écarts aux objectifs visés sont accrus. En fin de compte, l’audit de performance permet d’assurer le contrôle de la gestion publique dans un souci d’efficacité, d’efficience et d’économie.

Partant du constat de la portée restreinte du mandat de la CSC/CA quant à l’audit de performance, ce billet vise à présenter sommairement ce type d’audit dans un souci de vulgarisation.

L’audit de performance : un mécanisme de contrôle de gestion

Connu également sous l’appellation de « vérification d’optimisation des ressources » (value-for-money audit en anglais), l’audit de performance est l’une des composantes de la vérification intégrée à côté de l’attestation financière et de la vérification de conformité aux autorités législatives. Comme son nom l’indique, il vise à assurer l’utilisation optimale des ressources d’une entité. Par utilisation optimale de ressources, on entend par :

• La mesure dans laquelle les systèmes, contrôles et pratiques de gestion, y compris ceux qui visent le contrôle et la protection des actifs, permettent d’assurer que toute l’importance voulue est accordée aux critères liés à l’économie, à l’efficience et à l’efficacité;

• La mesure dans laquelle l’importance voulue a effectivement été accordée aux critères liés à l’économie et à l’efficience dans la gestion des ressources;

• La mesure dans laquelle les programmes ou les activités d’une entité ont été efficaces. [4]

Trois principaux critères guident la démarche méthodologique des vérificateurs en optimisation de ressource : l’économie, l’efficience et l’efficacité :

• Économie: l’acquisition, au meilleur coût et en temps opportun, des ressources financières, humaines et matérielles, en quantité et qualité appropriées;

• Efficience: la transformation, au meilleur rendement, des ressources en biens et services;

• Efficacité: l’atteinte, au meilleur degré, des objectifs ou autres effets recherchés d’un programme, d’une organisation ou d’une activité. [5]


L’audit de performance tire ses fondements conceptuels (c.-à-d. : indépendance, objectivité, intégrité) de l’audit financier mais s’en écarte par sa finalité. La vérification financière vise à fournir l’assurance raisonnable que l’information contenue dans les états financiers reflète une image vraie, réelle et fiable de l’entité auditée. Quant à la vérification de l’optimisation des ressources (VOR), elle vise à s’assurer que les affaires publiques sont gérées en vue d’une utilisation optimale des fonds publics par les gestionnaires qui en sont responsables et qui doivent rendre compte de leur gestion. Grosso modo, la première a une finalité résolument comptable, la seconde économique.

Dans certains ISC occidentaux, l’audit de performance est un service clairement distinct de la vérification financière. Ainsi, au Québec, le Vérificateur général spécifie dans son rapport annuel de gestion (RAG) le nombre d’attestations financières et d’audits de performance réalisés au cours d’une année fiscale. Aussi l’agrégation à la profession comptable est-elle obligatoire pour accomplir les missions d’attestation financière tandis qu’elle l’est dans une moindre mesure pour les missions de VOR.

Tout compte fait, il y aurait lieu de vulgariser la pratique de la vérification de l’optimisation des ressources dans le secteur public haïtien. Parallèlement, la CSC/CA pourrait être plus active au niveau des réseaux professionnels dans le domaine de la vérification intégrée. À titre d’information, elle est membre de l’Organisation Caribéenne des Instituts Supérieures de Contrôle des Finances Publiques (CAROSAI), une structure régionale de l’Organisation Internationale des Instituts Supérieurs de Contrôle des Finances Publiques (INTOSAI). Ces dernières années, la CAROSAI a accentué la promotion des audits de performance au sein de ses pays membres, notamment à travers des initiatives conjointes d’audit de performance d’organismes de perception fiscale. Plusieurs états caribéens, notamment la Sainte-Lucie, la Guyane, le Belize et la Barbade ont capitalisé l’expertise occidentale en audit de performance à travers des formations et des stages dans les bureaux de vérificateurs généraux au Canada et dans d’autres ISC occidentaux (Australie, Grande-Bretagne, États-Unis). Depuis lors, ces états ont intégré l’audit de performance dans le cadre de leurs opérations normales. Par conséquent, la CSC/CA pourrait envisager d’intégrer plus complètement ces réseaux en cherchant à développer des partenariats privilégiés avec des partenaires stratégiques tels que la CCAF-FCVI. Des opportunités de développement de capacités pourraient être envisagées avec ces partenaires, à l’instar du programme international d’aide à la vérification législative.

Notes:

[1] À titre comparatif, aux États-Unis, c’est le Gouvernement Accountability Office (GAO) qui exerce ce mandat auprès du Congrès américain. Au Canada, le Vérificateur général assume cette fonction au niveau fédéral; chaque province dispose également d’un Vérificateur général qui exécute ce mandat auprès des parlements provinciaux. En France, c’est la Cour des comptes qui remplit cette fonction. À l’échelle internationale, l’Organisation Internationale des Instituts Supérieurs de Contrôle des Finances Publiques (INTOSAI) rassemble les cours d’audits gouvernementales de plus de 190 pays.

[2] Oxéus, G. (2014). « Repenser la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CS/CCA) pour une administration publique performante », le Nouvelliste, 17 mars 2014. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/128639/Repenser-la-Cour-superieure-des-Comptes-et-du-Contentieux-administratif-CSCCA-pour-une-administration-publique-performante.html

[3] En théorie, la CSCCA dispose d’un manuel de procédure de vérification qui fait référence aux principes de l’audit de performance, notamment à l’économie des moyens, à l’efficience et l’efficacité. Voir le dernier rapport final du Mécanisme de Suivi de la mise en œuvre de la Convention Interaméricaine contre la Corruption (MESISIC), point [301], p. 54 http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4_final_hti_fr.pdf

[4] Paragraphe SP5400.04 du Manuel de l’Institut Canadien des Comptables Agrées (ICCA)

[5] Article 21 de la Loi sur le Vérificateur général, Québec

Rubrique: Economie
Auteur: Marc Claude | marc-c001@mymail.mssu.edu
Date: 3 Aout 2015
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