Vers la création d’un fonds pour le développement d’Haïtide Thomas Lalime| JobPaw.com

Vers la création d’un fonds pour le développement d’Haïti


La ministre de l’Économie et des Finances démissionnaire, Marie Carmelle Jean-Marie (MCJM), a annoncé la création prochaine d’un fonds d’investissement pour financer la croissance économique en Haïti. Elle a fait l’annonce en participant au rendez-vous annuel du jour de l’An au micro de notre confrère Kesner Pharel sur Radio Métropole. La Banque interaméricaine de développement (BID) a financé les études nécessaires à la création du fonds et est déjà prête à y contribuer.

Le Groupe Lazard, qui dispose d’une expertise internationale dans la création de fonds d’investissement, est le principal partenaire qui conseille le gouvernement haïtien sur ce dossier. Bien d’autres institutions internationales participeront à la constitution du fonds. Et toutes les entreprises haïtiennes y auront accès, sauf les boites de nuit, le commerce d’armes et d’autres activités surfant sur la frontière de l’éthique ou de la morale.

Le fonds d’investissement, selon la ministre des Finances, encouragera particulièrement les secteurs du café, du cacao, de la mangue et d’autres produits locaux à forte potentialité de valeur ajoutée qui sont susceptibles d’accroître les exportations. Il pourra faire des émissions d’actions et d’obligations à l’échelle nationale et internationale. L’agriculture, la manufacture, la transformation agroalimentaire, les infrastructures et le tourisme sont parmi les secteurs qui recevront une attention spéciale. Pour le tourisme, il ne s’agira pas nécessairement de financer la construction d’hôtels mais plutôt les autres maillons de la chaîne que constitue l’industrie touristique.

Le projet d’une route reliant Haïti à la République dominicaine via Malpasse avec un pont jeté sur le lac Azuei fera partie des premiers projets à être financés. Le lancement du fonds était prévu pour le 12 janvier 2015 mais a été reporté, sur la demande des promoteurs, pour pouvoir profiter d’un maximum de visibilité, a fait savoir Mme Jean-Marie. Les institutions internationales, informe-t-elle, appuient vivement la création du fonds. Ce dernier est doté d’un capital social de 25 millions de dollars américains. Et l’on s’attend à une capitalisation de plus de 100 millions de dollars américains dès la première année.

Avec l’incertitude qui plane sur l’avenir du programme PetroCaribe, le ralentissement de l’activité économique nationale, la chute drastique de l’aide internationale et des investissements directs étrangers (IDE) en 2014, la création de ce fonds serait une des bonnes nouvelles de l’ère Martelly. Au crépuscule du mandat du chef de l’État, la ministre des Finances donnera l’exemple de ce à quoi devaient servir les fonds générés par le programme PetroCaribe. Les milliards de dollars collectés au nom d’Haïti après le tremblement de terre pourraient également renflouer les comptes d’un fonds si les bailleurs se souciaient vraiment du développement d’Haïti.

Bien entendu, il faut espérer que le nouveau fonds survivra là où la Banque nationale de développement agricole et industriel (BNDAI), l’Institut haïtien du crédit agricole et industriel (IHCAI) et l’Institut de développement agricole et industriel (IDAI) n’ont pas fait long feu. Il faut utiliser ces échecs du passé pour mieux bâtir l’avenir.

Croissance rachitique en 2014, prévisions pessimistes pour 2015

La croissance économique a été des plus rachitiques en 2014, de l’ordre de 2,8 %, soit la plus faible enregistrée depuis le tremblement de terre. Pour la même période, la République dominicaine a connu un taux de croissance économique de 6 %, supporté particulièrement par l’exploitation des mines. La ministre de l’Économie et des Finances, MCJM, explique cette piètre performance par le faible niveau d’investissement dans l’agriculture et la baisse des recettes publiques qui ont plombé les efforts du gouvernement pour promouvoir la croissance.

L’Institut haïtien de statistique et d‘informatique (IHSI) avance également comme causes : i) les difficultés relatives au vote de la loi de finances de 2013-2014 qui ont empêché ou retardé l'exécution à temps de certains projets d'infrastructures, porteurs de croissance et de création d'emplois;
ii) l'incertitude créée par une situation politique, pour le moins nébuleuse, qui a un peu affecté le dynamisme dont les agents économiques avaient fait montre l'année 2013;
iii) les conditions climatologiques qui n'ont pas été tout à fait clémentes, car certaines régions du pays ont connu une rude sècheresse qui a mis à mal la performance de la branche agricole;
iv) la réduction de l'aide externe qui a eu aussi des impacts négatifs sur le financement de certaines activités.

Selon MCJM, les derniers investissements de l’État dans l’agriculture remonte à la période post Sandy au début de l’année 2013, ce qui explique à son avis la contraction de 1,5 % observée dans le secteur agricole. Pourtant, ce secteur emploie plus de 40 % de la main-d’œuvre haïtienne, particulièrement dans la paysannerie. Donc, sa contraction peut conduire à des pertes d’emplois importants et à une augmentation de la pauvreté rurale.

Le secteur tertiaire a connu une croissance importante en 2014. Mais, en général, il n’emploie pas beaucoup de gens. C’est pourquoi Mme Jean-Marie voudrait plutôt miser sur des investissements dans le secteur manufacturier pour créer beaucoup plus d’emplois. Notamment pour les femmes, qui sont majoritaires dans cette industrie.

Pour sa part, le secteur de la construction a crû à un taux de 7,9 % en 2014 par rapport à l’année précédente. Cependant, avec la prédominance des firmes étrangères, la croissance de ce secteur profite davantage à l’étranger, spécialement à la République dominicaine. Des problèmes structurels liés à la faiblesse institutionnelle et du cadre légal ont également justifié la faible performance économique en 2014.

La ministre des Finances l’a affirmé péremptoirement : des lois qui attendent au Parlement empêchent de faire le saut qualitatif de croissance économique tant espéré. Il y a donc lieu pour les institutions étatiques d’être plus efficaces. Certaines nécessitent une restructuration en bonne et due forme. Exemple : l’Électricité d’Haïti. Cela passera par le licenciement du personnel non nécessaire. Et c’est là que le bât blesse, car le béton risque d’être chauffé.

Ces faiblesses structurelles et institutionnelles empêchent le pays de devenir une économie frontière, pour ne pas dire une économie émergente, qui demeure un objectif inatteignable, d’après les propos de la ministre de l’Économie et des Finances, encore membre d’un gouvernement qui vient de passer 31 mois à clamer sa volonté de faire d’Haïti un pays émergent à l’horizon 2030.

La croissance économique risque d’être encore plus faible pour la période 2014/2015. On peut passer en dessous de 2 % pour le nouvel exercice fiscal. « Il faut réduire les dépenses pour ne pas compromettre la croissance en 2014/2015», prévient MCJM comme pour déplorer le comportement dépensier du gouvernement démissionnaire.

L’IHSI ne se montre pas plus optimiste que sa ministre de tutelle. Il conclut ses comptes économiques 2014 sur des prévisions assez pessimistes. Un extrait : « La nouvelle année fiscale s’annonce plutôt morose avec l’incertitude politique qui perdure. Cette situation est de nature à provoquer chez les agents économiques une sorte d’attentisme qui serait plutôt néfaste pour le dynamisme de l’économie. Ainsi, pour sauvegarder les acquis des années antérieures et maintenir Haïti sur une trajectoire de croissance, les maîtres-mots restent et demeurent l’esprit de discernement et le dépassement de soi qui permettront de transformer la morosité annoncée de 2015 en une année de grandes opportunités pour l’économie haïtienne. »

Cet esprit de discernement et de dépassement de soi qui a toujours fui les autorités politiques, empêchant toute possibilité de transformer la morosité en opportunités. Les dirigeants politiques ont plutôt tendance à aggraver la morosité. Et c’est cette aggravation permanente qui enfonce le pays dans le sous-développement chronique.

Rubrique: Economie
Auteur: Thomas Lalime | thomaslalime@yahoo.fr
Date: 20 Jan 2015
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