De la production des chômeurs vers le développement intégralde Ronald Estrade| JobPaw.com

De la production des chômeurs vers le développement intégral


Comment sortir la Formation Professionnelle haïtienne de la production des chômeurs vers le développement intégral de nos départements?
Le but principal de la formation professionnelle (FP) est de former et d'améliorer l'employabilité des étudiants dans un champ précis de travail. Par exemple les élèves de la Mécanique agricole vont travailler surtout dans des secteurs qui demandent l’utilisation des compétences en mécanique, hydraulique et en électrotechnique. Cependant, avec le renforcement de la concurrence internationale, il devient difficile de garantir le plein emploi à tous les finissants. Les élèves du secteur de la formation professionnelle et technique (FPT) font face à un certain nombre de défis dans leur intégration en milieu de travail dans plusieurs pays de la francophonie. Toutefois avec le départ à la retraite des baby-boomers, le taux de chômage de la zone de l’OCDE qui était stable à 8.2% en 2011 (OCDE, 2012) va bientôt se stabiliser en deçà de 8%. Ce qui procurera le plein emplois aux diplômés de la FP dans ces pays. Dans le cas de la République d'Haïti, confrontée à une inadéquation entre la formation professionnelle et les possibilités d’intégration au marché du travail, les experts et des spécialistes de contenus ont préconisé l'approche par compétences (APC) pour la formation dans les centres de formations professionnelles et techniques (JobPaw, 2009, p. 7). Malgré les efforts déployés, l’amélioration de la situation économique est insuffisante par rapport au taux de croissance de la population (Ibid., p. 70). Jusqu’à présent notre cher pays Haïti reste un pays en voie de développement, comme l’indique son classement dans l’indice de développement humain du plus récent rapport du Programme des Nations Unis pour le Développent. C’est pourquoi, cet article voudrait explorer un des moyens pour résoudre le problème d’insertion au marché du travail des élèves diplômés de la formation professionnelle en Haïti.

L’école doit évoluer plus rapidement avec l’évolution des gens du pays. CLADE, dans son article Le système «école-usine» : un obstacle à la pensée a fait état de la déclaration de Camilla Croso, coordinatrice générale de la campagne latino-américaine pour le droit à l’éducation (Clade, 2012) en visite au Paraguay :

Toutes les politiques sociales sont des processus en perpétuelle évolution. Camilla Croso a également déclaré : « Dans les écoles, c’est la capacité de penser qui est en jeu. Le système “école-usine”, avec ses élèves standardisés, est un obstacle à la pensée ».

En Haïti, les élèves ont soif d’apprendre, malgré la privatisation du système éducatif haïtien (SEH), sa faible performance, plusieurs élèves s’y inscrivent dans le but d’améliorer leur sort. En témoigne le pourcentage de ceux qui réussissent à passer à travers les maillons de l’examen de deuxième partie (philosophie) chaque année. Cette situation entraîne une perte de contrôle de l’État au profit du secteur privé. Pour y remédier, il y a eu une certaine prise de conscience nationale depuis plus de 30 ans à travers des réformes structurelles du SEH. La plus significative est la réforme Bernard de 1979 (Joint, 2006). Cette réforme a été suivie par le projet du PNEF qui a mobilisé depuis 1993 des subventions de la communauté internationale et des ressources du milieu. Dernièrement, il y a eu les recommandations du Groupe de Travail sur l’Éducation et la Formation (GTEF) (MENFP, 2011) à travers le Plan opérationnel 2010-2015. Mais la plus grande difficulté de ces réformes en Haïti, est leur mise en application dans un délai raisonnable à cause du faible engagement de l’état au niveau financier. En effet, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) dispose d’un budget de 19 334 114 238 Gourdes (Avec 1 US$ pour 40 Gourdes, cela donne environ 483 000 en dollars américain) comme mentionné dans le budget 2012-2013 du Ministre de l’Économie et des Finances (MEF), soit 14.70% du budget total (Haïti Libre : Budget, 2012).

Pour faciliter le développement économique du pays, la décision d'encadrer plus étroitement la formation professionnelle est venue par l'adoption d'un texte de loi: le décret du 14 mars 1985. Le problème de la formation professionnelle est tributaire de la déchéance du système éducatif haïtien dans son ensemble. Le premier élément à considérer est le financement. Jusqu’à tout dernièrement, l’État consacrait moins de 10% du budget de l’éducation à la formation professionnelle et privilégiait délibérément la formation classique générale au détriment de la formation professionnelle. «Ces pratiques budgétaires montrent une priorité accordée à la formation classique au détriment de la formation professionnelle et technique, destinée surtout aux classes populaires» (Joint, 2006, p.150).


Néanmoins, au niveau de la formation professionnelle, le groupe GTEF préconise une implication des acteurs sociaux et économiques (Ibid., p. 70). Ce qui favorisera une adéquation entre la formation et l’emploi. Néanmoins, si les entreprises nationales ne parviennent pas à participer dans la définition et dans l’organisation des programmes d’études de la formation professionnelle et technique, cela ne favorisera pas un ralentissement dans la fuite des cerveaux et un regain économique du pays.

Avec un taux de chômage élevé, même les élèves diplômés de la formation professionnelle (FP) ne trouvent pas d’emploi. Et des fois, le commun des mortels a l’impression que la FP, telle qu’elle est gérée actuellement dans la République d’Haïti, participe à la production des chômeurs au lieu de favoriser un développement socio-économique du pays.

La constitution de 1987 demande une décentralisation et une déconcentration du pays (Cadet, 2001). Pour y arriver, il faut entre autre un meilleur encadrement agricole et favoriser la promotion des PME et de l’artisanat. En joignant les objectifs de la constitution et du GTEF, on peut utiliser la FP pour favoriser le développement intégral de chaque département et favoriser aussi l’intégration des populations rurales plus activement au marché de l’emploi national.

En effet, les villes de chaque département ont des activités économiques distinctes, communes ou complémentaires. Les villes du département du Centre ont des possibilités fort différentes des villes du département du Nord-Ouest. À cause de la mer, les possibilités liées à la pêche et au tourisme sont communes pour les villes des départements du Nord et du Sud-est. De plus, au niveau même des départements, les villes peuvent avoir des activités économiques distinctes, communes ou complémentaires à cause de la topographie des lieux. Par exemple dans le département du Sud, les communes des Cayes et de Port-Salut ont en commun la culture du vétiver. Comme les citronniers, les orangers, les citronniers et les cocotiers poussent partout en Haïti, on peut les associer pour un développement intégral. En effet, l’élément qui est commun entre la culture du vétiver, du citronnier, des orangers et du cocotier est la production des huiles essentielles. Une offre de formation professionnelle dans le département du Sud devrait aussi inclure les métiers pour les industries de la parfumerie, des arômes et de la cosmétique. En effet, si nous voulons un développement économique indépendant des marchés internationaux, nous devons ralentir la vente du vétiver à la Suisse, la France et les États-Unis d’Amérique. Nous devons aussi, assurer des recherches et développent afin de tirer le maximum de ces denrées à travers un plan de commercialisation bien élaboré.

En effet l’économie haïtienne est stagnante (Economy Watch, 2010), nous importons avec notre argent de l’extérieur des parfums, des produits cosmétiques (savon, shampoings, gel-douches, crèmes cosmétiques etc.), des produits ménagers (détergents et lessives), des arômes alimentaires (café, tabac, yaourts, plats cuisinés, etc.) et nous avons un marché d’emploi faible malgré les efforts déployés pour changer la situation (Haïti Libre : Soutien, 2012). En tant que citoyen, nous devons réaliser que la politique au sens large c’est aussi l’art de défendre les intérêts de son pays et poser des gestes concrets pour changer la situation.

Pour cela, nous pouvons introduire des École-usines spécialisées dans chacun des départements du pays. Dans le cas du département du sud, nous pouvons avoir un Centre de Formation Professionnelle qui regroupe les métiers de la chimie liée à la parfumerie, des arômes et de la cosmétique (Créateur ou Préparateur en parfum et cosmétique, Vente-conseil, Gérance d’institut de beauté, Esthétique, Coiffure, etc.), des arômes alimentaires (créateur des arômes alimentaires). Et pour la cohérence du système, nous aurons au niveau des universités régionales, des licences proches de la Chimie, de l’Agro-alimentaire, de la Biochimie, du Marketing etc. C’est donc cet ensemble qui créera un développement intégral de chacun de nos départements.

Après la lecture de cet article, vous vous demandez peut-être quelle est la prochaine étape à mettre en œuvre pour atteindre tous ces vœux pieux? Bien que je ne souhaite pas la venue d’une formule magique pour développer mon pays d’origine. Je pense qu’en tant qu’haïtien, vous et moi devons mettre ensemble nos compétences pour la sauvegarde de notre indépendance économique sous la gouverne d’une direction forte et éclairée. Comme en Haïti actuellement, les représentants des différents paliers gouvernementaux et les parlementaires ont pris le monopole du leadership, nous devons souhaiter leur collaboration pour la bonne marche de l’économie comme ils ont été élus démocratiquement. En ce qui concerne les politiciens et les parlementaires en particulier, je suis conscient qu’il y a lieu de faire des débats divers, mais je voudrais que nos parlementaires montrent la voie à suivre. Ainsi, au niveau de la décentralisation du pays, c’est ce genre de leadership que j’aimerais avoir des députés et sénateurs des Chambres basse et haute afin de résoudre le problème complexe lié à l’insertion au marché du travail des élèves diplômés de la formation professionnelle en Haïti. Car c'est ennuyant de voir durant mes nombreuses visites au pays, des diplômés de la formation professionnelle qui veulent et qui peuvent travailler mais qui se retrouvent malgré eux au chômage.


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

CLADE (2012). Pressenza International Press Agency. Le système «école-usine» : un obstacle à la pensée. : http://www.pressenza.com/fr/
Cadet L. C. (2001). Haïti face aux défis de la décentralisation. Commission Nationale à la réforme administrative (CNRA).
Economy Watch (2010). Haiti Trade, Exports and Imports. World Economy: http://www.economywatch.com/

Haïti Libre (2012): Haiti - Economy: Budget 2012-2013, Key Budget Items.
http://www.haitilibre.com. (Page consultée le 16 octobre 2012).

Haïti Libre (2012) : Haïti - Économie : Soutien des Nations Unies, à l’emploi en Haïti. http://www.haitilibre.com. (Page consultée le 10 janvier 2013)

JobPaw (2009). Comment stimuler la création d’emplois en Haïti. Rapport d’Atelier. Port-au-Prince: Groupe JobPaw.com
Joint, L. A. (2006). Système éducatif et inégalités sociales en Haïti-Le cas des écoles catholiques. Paris: L'Harmattan.

Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (2011): Plan opérationnel 2010-2015. Groupe de Travail sur l’Éducation et la Formation (GTEF).

OCDE (2012). Taux de chômage harmonisés de l'OCDE. Salle de Presse : http://www.oecd.org/fr/.htm
Rubrique: Economie
Auteur: Ronald Estrade | restrade@hotmail.com
Date: 18 Mars 2013
Liste complète des mémoires et travaux de recherche