2- Contexte

2-1- Les accidents de la route : Une épidémie négligée

Les mutations démographiques, spatiales et socio-économiques associées au phénomène d’urbanisation ont provoqué un accroissement de l’incidence des pathologies chroniques et des traumatismes en Haïti et particulièrement dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Ce phénomène d’urbanisation induit une forte progression de la demande en transport de biens et de personnes, faisant augmenter le nombre d’usagers de la route, le parc automobile et le trafic routier. Le développement de la mobilité urbaine s’est accompagné d’une augmentation des décès et des blessures associées aux accidents de la route. Bien qu’il n’existe actuellement pas de données fiables sur le phénomène en Haïti, les données issues des services d’urgences dans les hôpitaux tendent à montrer que les traumatismes dus aux accidents de la route constituent le principal motif d’admission après les urgences gynéco-obstétricales.

Selon l’OMS, en 2013 près de 1,2 millions de personnes sont décédées suite à un accident de la route et près de 50 millions de personnes ont été blessées. Si aucune mesure n’est prise, les projections de l’OMS estiment que d’ici à 2030, les traumatismes dus à des accidents de la route seront, dans le monde, la cinquième cause de décès et la troisième cause de perte d’années de vie corrigées de l’incapacité. 90% des décès liés aux accidents de la route surviennent dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Une part importante de ces décès et de ces incapacités sont évitable par des mesures de prévention. Fin 2015, les nouveaux Objectifs du Développement Durable (ODD) des Nations Unies ont reconnu l’urgence de traiter ce problème de santé publique en intégrant une cible spécifique sur la réduction des accidents de la route au sein de l’objectif 3 des ODD.
Dans le cadre de la mission exploratoire menée par Handicap International en 2014, un certain nombre de facteurs d’insécurité routière ont été collectés auprès des acteurs clefs ou observés dans la ville de Port-au-Prince :

 L’insuffisante prise en compte de la problématique de la sécurité routière par les acteurs nationaux et internationaux
 L’absence de données probantes permettant de concevoir et d’évaluer des stratégies de prévention
 Le développement anarchique du secteur des transports caractérisé par une faiblesse des moyens financiers des opérateurs et un faible encadrement du secteur
 Une exposition accrue des usagers de la route aux risques d’accident de par la vétusté du parc automobile, des infrastructures routières en mauvaises, la non prise en compte de la sécurité des usagers dans l’élaboration des plans d’aménagement urbain
 Le manque de moyens pour veiller à l’application des lois à travers mesures de contrôle-sanction
 Des comportements inadaptés des usagers sur la route

2.2 Le comportement des usagers : Premier facteur d’accidents de la route.

Les accidents et la gravité de leurs conséquences s’expliquent par une combinaison de facteurs liés au conducteur, au véhicule, à la route et à l’environnement (physique et institutionnel). Les facteurs humains sont en causes dans plus de 90% des accidents corporels. Le contexte de Port-au-Prince est caractérisé par l’absence d’une culture de la Sécurité Routière et les principaux comportements à risques identifiés sont :
 La vitesse excessive
 L’utilisation des téléphones portables durant la conduite d’un véhicule
 Le non-respect du code de la route
 La conduite sous influence : utilisation de diverses substances (alcool et/ou drogue)
 La conduite sans permis / avec permis inadapté / sans assurance
 Le non port de la ceinture de sécurité et du casque (ou port de casque inadapté)
 Un sentiment d’impunité des conducteurs de véhicules
 La pression du temps sur les conducteurs de véhicules à passager

2.2 Les chauffeurs de transports urbains : Une population à risque… mais un acteur clé dans la prévention des accidents

Les chauffeurs de transport représentent une part importante des usagers de la route en Haïti et sont responsables de la sécurité d’un grand nombre d’usagers. Si l’on se réfère aux travaux de recherche réalisés dans les pays à ressources limitées, les chauffeurs de transport en commun sont à la fois plus exposés aux accidents de la route et sont également plus susceptibles d’être à l’origine d’un accident.

En Haïti, les chauffeurs de transport en commun ne bénéficient pas d’une formation professionnelle spécifique et le permis de conduire en Haïti s’obtient le plus souvent de gré à gré, et non après qu’un examen ait été subi. Il faut également noter qu’un nombre important de chauffeurs de transport en commun évolue dans le secteur informel et qu’un certain nombre ne sont pas propriétaires de leurs véhicules. Ces chauffeurs subissent un certain nombre de contraintes posées par les propriétaires concernant les modalités d’utilisation du véhicule, leur maintenance et le cout d’exploitation. Ces différents facteurs vont influencer directement ou indirectement le comportement du chauffeur et la sécurité de son véhicule.
Ainsi un meilleur encadrement des chauffeurs et des propriétaires de véhicules de transport en commun s’impose comme déterminant dans la lutte à entreprendre en vue d’aboutir à une amélioration de la sécurité des usagers de la route. Et ces acteurs doivent être considérés comme une cible prioritaire des actions de formation et de sensibilisation à la sécurité routière.

3- Présentation du projet

Handicap International est une organisation de solidarité internationale, non gouvernementale, indépendante et impartiale, créée en 1982, qui intervient dans les situations de pauvreté et d’exclusion, de conflits et de catastrophes aux côtés des personnes handicapées et des populations vulnérables dans une soixantaine de pays à travers le monde. Elle agit et témoigne pour répondre à leurs besoins essentiels, améliorer leurs conditions de vie et promouvoir le respect de la dignité et des droits fondamentaux.

Handicap International développe depuis 2000 des projets de sécurité routière à travers le monde qui visent la prévention des traumatismes liés aux accidents de la route. L’organisation intervient sur la thématique de la Sécurité Routière en Haïti depuis 2015 avec le soutien financier de la coopération belge. Il s’agit d’un projet pilote dont l’enjeu est avant tout de mobiliser les acteurs autour de cette thématique, d’initier des actions de formation et de sensibilisation auprès des usagers de la route et d’analyser plus en profondeur les besoins en matière de prévention et de prise en charge des traumatismes associés aux accidents de la route. Une présentation plus détaillée du projet est présentée en annexe 1 du document.

4- Présentation de l’étude/ recherche

4-1- Justification de l’étude

Une des grandes questions de recherche en matière de sécurité routière est de savoir pourquoi les individus en fonction du contexte, de l’infrastructure et de leur mode de déplacement adoptent des comportements à risques et enfreignent les règles relatives à l’usage de l’espace routier.

Bien que les principaux comportements à risques soient bien identifiés par la littérature scientifique, des efforts de recherche supplémentaires sont nécessaires afin d’avoir une meilleure connaissance des déterminants de la conformité aux règles routières et de l’adoption de comportements à risque chez les usagers de la route. En particulier dans les contextes comme Haïti où la connaissance des règles ‘légales’ peut être faible chez les usagers et que les stratégies de prévention reposant sur des mesures de contrôle-sanction sont difficiles à mettre en œuvre.

Comme souligné plus haut, le comportement des chauffeurs de transport en commun doit aussi être appréhendé à travers les conditions qui régissent leurs activités relevant d’une économie dite ‘informelle’, notamment à travers l’influence potentielle des propriétaires sur le comportement des chauffeurs non propriétaires.

Ce type de travaux est indispensable pour la définition de stratégies d’éducation et de sensibilisation des usagers adaptée aux contextes afin de viser un changement de comportement durable.

4-2- Utilisation des résultats

Les résultats des travaux réalisés devront permettre :
 D’appuyer les acteurs nationaux et internationaux dans l’élaboration d’actions de sensibilisation, d’éducation et de formation des usagers, en particulier les chauffeurs de transport routier
 De dégager de nouvelles pistes de recherche visant à appréhender les déterminants de la prise de risque et de la conformité aux règles routières

4-3- Objectif général de l’étude

La finalité de cette étude s’inscrit dans la volonté de Handicap International de disposer d’une connaissance plus fine d’un des publics du projet (chauffeurs et propriétaires de tap tap et de taxi motos) et des principaux facteurs déterminant la connaissance des règles routières et l’adoption de comportements à risques afin d’orienter ses approches méthodologiques en matière de formation, d’éducation et de sensibilisation.

4-4- Objectifs spécifiques

Objectifs spécifiques relatifs à l’étude quantitative (Lot 1) :

• Décrire le profil sociodémographique des conducteurs de taxi-moto et de tap-tap et les déterminants du choix de la profession de conducteur ;
• Décrire les connaissances, attitudes et pratiques des usagers en matière de sécurité routière (e.g code de la route, facteurs de risques, utilité des dispositifs de protection, premier secours,..) ;
• Décrire et analyser leurs perceptions des risques relatifs à leurs pratiques professionnelles, en particulier les risques d’accidents ;
• Identifier les facteurs (individuels/environnementaux) qui influencent positivement ou négativement l’adoption d’un comportement approprié (port du casque, utilisation du téléphone portable au volant, non port de la ceinture, etc.) et le respect des règles routières ;
• Parmi les facteurs environnementaux, identifier spécifiquement les facteurs liés à l’influence des propriétaires et des conditions d’exploitation du véhicule sur le comportement du chauffeur.

Objectifs spécifiques relatifs à l’étude qualitative (Lot 2) :

• Analyser les facteurs individuels associés à l’adoption de comportements à risques ou à la conformité aux règles routières
• Analyser le rôle des normes sociales, du contexte culturel et des valeurs dans la conformité aux règles légales/sociales
• Analyser le rôle des normes sociales, du contexte culturel et des valeurs dans la transgression des règles routières
• Analyser l’influence des propriétaires sur l’adoption de comportements à risques ou à la conformité aux règles routières par les chauffeurs
• Identifier avec les propriétaires, puis les chauffeurs les pistes d’actions visant l’amélioration de leur sécurité et celles de leurs usagers
4-5- Localisation

Les études (Lot 1 & 2) seront menées dans une ou plusieurs communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, en considérant en priorité la zone d’intervention à savoir la commune de Delmas.
4-6- Population cible

 Lot 1 : L’étude ciblera les chauffeurs de tap-tap et de taxi-motos
 Lot 2 : L’étude ciblera les propriétaires et les chauffeurs tap-tap et de taxi-motos

4-7- Méthodologie proposée

La méthodologie de l’étude devra s’appuyer sur une approche mixte (quantitative et qualitative) et interdisciplinaire.

Lot 1 : Etude CAP auprès des chauffeurs de tap-tap et de taxi-motos

Il s’agira ici d’une étude quantitative sur les comportements, attitudes et pratiques en matière de sécurité routière réalisée par questionnaire auprès d’un échantillon de la population d’étude. Elle aura une visée essentiellement descriptive, bien que le recours à des analyses statistiques puisse être proposé au regard des objectifs spécifiques (e.g. test de comparaison entre les catégories de chauffeurs ou au sein des catégories, recherche de facteurs associés à un type de comportement,…).

Lot 2 : Etude qualitative auprès des propriétaires et des chauffeurs tap-tap et de taxi-motos

Il s’agira ici d’une étude qualitative s’appuyant sur la réalisation d’entretiens collectifs (focus group) ou individuels menés auprès d’un échantillon réduit de propriétaires et de chauffeurs de tap tap et de taxi-moto. Elle visera à comprendre les déterminants individuels et contextuels qui influencent la perception du risque d’accidents, l’adoption de comportements à risques et la conformité ou la transgression des règles routières. Le recueil d’informations auprès des chauffeurs et des propriétaires, facilitera la triangulation de l’information et permettra de mieux comprendre l’influence de ces derniers sur les connaissances, les attitudes et les pratiques des chauffeurs.

4-8- Principes éthiques

Les travaux de recherche devront être effectués conformément aux directives d’éthique en vigueur au niveau national et international pour protéger le bien‐être et la confidentialité des participants. Le protocole de cette étude devra respecter et garantir l’application des principes éthiques suivants :
 La soumission du protocole de recherche à un comité d’éthique
 Les activités liées à l’étude sont sans danger pour les participants
 Chaque participant donne son consentement pour participer à l’enquête
 Des mécanismes pour garantir la confidentialité des données et des informations sont mis en place
 L’utilisation et la diffusion des données est assurée
5- Mission demandée

5-1- Objectif général de la mission de l’expert

L’expert/consultant/chercheur/ devra assurer la mise en place (protocole final & autorisations administratives), la réalisation (collecte, traitement & analyse des données), le suivi et la valorisation des résultats de l’étude/recherche.

5-2- Les livrables

Les livrables seront au nombre de 6, à rendre dans les délais indiqués ci-dessous :

Livrables Destinataires Diffusion Délais de livraison
Documents techniques liés à la mise en place de l’étude
1- Un protocole finalisé HI Interne Début de mission
2- Les outils de collecte de données finalisés HI Interne Fin de mission
3- Le matériel retranscrit=rapport d’enquête HI Interne Fin de mission
4- La base de données brute HI Interne Fin de mission
Documents d’avancement/ de synthèse/ de diffusion
5- Un rapport intermédiaire HI Interne Mi-parcours
6- Un document court, support de vulgarisation (X pages) Partenaires, Bénéficiaires Externe Fin de mission
Ateliers/ Rencontres
7- Une rencontre pour discuter le protocole de recherche et les outils d’enquêtes HI, Partenaires - Début de mission
8- Une rencontre pour discuter les résultats et leur interprétation ; formuler des recommandations pratiques HI, Partenaires - Fin de mission
9- Une rencontre pour présenter l’étude HI, Autorités, Partenaires - Fin de mission

Le consultant accepte la possibilité qu’Handicap International reproduise la proposition méthodologique et utilise les outils développés pour la collecte de données dans d’autres contextes et projets.


5-3- Les mécanismes de communication et de suivi entre le consultant et Handicap International

Le responsable de volet recherche et formation sera le responsable du suivi de l’enquête CAP. Il sera appuyé par le chef de projet et le coordinateur technique ou le référent technique Sécurité Routière.

6- Profil recherché et modalité de participation

6-1- Expertise recherchée :

 Investigateur principal : Sciences sociales, santé publique ou épidémiologie
 Diplôme minimum : Doctorat souhaité ou Maitrise
 Expérience en matière de recherche : au moins 5 ans
 Expérience dans un des secteurs liés à la thématique de l’étude : santé, traumatismes, sécurité routière, transport
 Familier avec le contexte culturel d’intervention
 Expérience en recherche interdisciplinaire et méthode mixte
 Expérience prouvée et reconnue dans les méthodes de collecte, traitement et analyse de données qualitatives et/ou quantitatives
 Maîtrise de logiciels de statistiques et analyses de données quantitatives et/ou qualitatives
 Vulgarisation des travaux scientifiques et transfert de connaissances

6.3 Modalités de participation

Les dossiers de candidature contiendront :
1. Les CV et diplômes des membres de l’équipe à constituer
2. Une liste des travaux scientifiques et des communications produites (si possible partager le résumé ou les liens de ces travaux si ceux-ci sont disponibles sur internet)
3. Une note méthodologique (entre 5 et 10 pages maximum) présentant la méthodologie envisagée, le calendrier de travail, les ressources humaines mobilisées et un budget prévisionnel détaillé. Des commentaires peuvent être faits sur les termes de références et des propositions peuvent être faites sur l’ajustement des objectifs ou de la méthodologie proposée.
6.4 Modalités de sélections

L’offre du/de la consultant/e, de l’université ou du bureau d’étude sera examinée en s’appuyant sur des critères d’évaluations définis par Handicap International. Le contrat sera attribué à l’offre la moins disant des offres techniquement qualifiées. Les offres répondant simultanément aux deux lots seront privilégiées.
Il sera possible de prendre contact avec handicap international au cours de l’appel à prestation de services afin d’avoir des informations complémentaires.

Cliquer ici pour télécharger le dossier complet d’appel d’offres

recrutement@handicap-international-haiti.org ou
18, angle rues RIGAUD et CLERVEAUX, PV en précisant la référence : CAPSR_2016

Yves Junior EDOUARD, Responsable de volet Suivi/Recherche et Formation : (509) 48 91 44 20
Fernand CHARLES, chef de projet Sécurité Routière : (509) 31 70 80 40

Une trame pour la rédaction de la note méthodologique se trouve en annexe de l’appel d’offre (Voir Annexe 2). Afin de pouvoir comparer les différentes propositions, nous encourageons les répondants à utiliser cette trame. Pour le format du budget, le prestataire est libre d’utiliser le format qu’il veut, dans la mesure où celui-ci sera suffisamment détaillé.

Les personnes handicapées et les femmes sont fortement encouragées à déposer leur candidature

** Seuls les candidats sélectionnés seront contactés**