La Fondation Fonkoze est une organisation haïtienne sans but lucratif fondée en 1994 qui travaille à côté de et en partenariat avec Sèvis Finansye Fonkoze, la plus grande institution de micro-finance haïtienne, en vue de renforcer les capacités des individus et des communautés à utiliser les services financiers, à améliorer leurs moyens d´existence, construire la résilience et créer la prospérité.
Chemen Lavi Miyò (CLM), ou Chemin vers une vie meilleure, est l´approche de graduation de Fonkoze pour lutter contre l’ultra-pauvreté, une frange de la pauvreté extrême. Initialement piloté comme une adaptation du programme de BRAC à destination des ultra-pauvres, CLM a déjà touché plus de 7000 familles depuis 2007.
Ce programme consiste en un ensemble de mécanismes de protection et de promotion sociales déployés de manière séquentielle sur dix-huit mois liés dans les domaines suivants : appui à la consommation, dotation d’actifs productifs ou de capital de départ, épargne et crédit, formation pour la construction de compétences techniques et de compétences de vie. Ces mécanismes sont reliés par des activités de « coaching » et de « mentoring » individuel (dans le cadre de visites domiciliaires) ou collectif (dans le cadre de divers espaces collectifs dont les associations villageoises d’épargne et de crédit). L’hypothèse de départ est que la combinaison de tous ces éléments et en particulier l’accompagnement de proximité se renforcent mutuellement pour faciliter la sortie de l’ultra-pauvreté.
Compte tenu de multiples travaux menés sur l´impact de CLM sur les conditions de vie des membres des familles ultra-pauvres couvertes par CLM et à l´état des lieux sur la prise en compte de l´empowerment des femmes, CLM a obtenu le financement de l´Agence Suisse pour le Développement et la Coopération (SDC) pour son extension et son renforcement dans le département du Sud-Est.
Ce Programme de Promotion et de Protection Sociales en Haïti (PROMES) a pour objectif général de contribuer à l’intégration socio-économique accrue des ménages défavorisés dans le Sud-est à travers un système territorial de protection et de promotion sociales (PPS) coordonné et régulé par le bureau territorial du MAST, avec perspective de genre. PROMES s’inscrit dans le cadre de la Politique Nationale de Protection et de Promotion Sociales du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST) validée par décret du 5 Juin 2020 et se réfère aux trois objectifs généraux de la PNPPS, savoir :
- Casser la transmission intergénérationnelle de la pauvreté multidimensionnelle en offrant aux plus pauvres les moyens d’assurer le développement de leurs enfants ;
- Créer les conditions pour que chaque personne puisse construire la capacité d’agir pour son autonomie personnelle, l’amélioration de ses moyens d’existence et le plein exercice de son rôle de citoyen ;
- Créer les conditions de l’égalité entre les personnes en tenant compte des relations de genre, des milieux de résidence, des situations de handicap et d’autres conditions de vulnérabilité.
C’est dans ce cadre que l’objectif général de PROMES se décline en deux objectifs spécifiques :
- Les acteurs publics et privés nationaux et internationaux travaillant pour l’inclusion sociale et économique des ménages défavorisés dans le Sud-est renforcent leur offre de dispositifs territoriaux de promotion et de protection sociales, à travers le cadre établi par le MAST et en prenant en compte le genre ;
- Les femmes et les hommes d’environ 2400 ménages défavorisés du Sud-Est s’intègrent dans la vie socio-économique de leur communauté et offrent à leurs enfants, petits et grands, l’opportunité de ne pas rester piégés dans la pauvreté.
Fonkoze est chargé d´assurer la réalisation du second objectif à travers son programme Chemen Lavi Miyo, et ceci avec une perspective de genre.

1.2. De l’intégration du genre dans le modèle d’intervention de CLM
Suite à l’état des lieux sur la prise en compte du genre dans CLM réalisé fin 2018 – début 2019, une consultante en genre a accompagné le programme durant son déploiement entre 2020 et 2021. Entre les travaux et formations réalisés, les apprentissages recueillis au fur et à mesure, des processus, une nouvelle mouture du programme a été développée et en cours d’implémentation.

Le point de départ est que CLM contribue à la recherche de l’émancipation des femmes membres des cohortes accompagnées par CLM, tout en considérant cette émancipation de manière ouverte, en tenant compte à la fois de la liberté de choix des personnes et de la diversité des situations de départ.

Ainsi, CLM se positionne sur tout le continuum du cadre « Reach Benefit Empower Transformation ». L’ancienne mouture rassemblait principalement les dimensions « reach » (atteindre les femmes) sur la base d’un ciblage explicite des femmes de 15 à 65 ans avec charge d’enfants et « benefit » (bénéficier aux femmes) en s’assurant que les femmes améliorent leurs conditions de vie. Un pont était déjà jeté vers l’empowerment en considérant que la question principale pour les responsables du programme est la construction ou la consolidation de la capacité à décider et à faire (proche de la notion d’agentivité), sans tenir compte des finalités ultimes. C’est la nouvelle mouture qui pose explicitement l’empowerment, avec l’idée que l’agentivité serve autant que possible les intérêts des femmes, avec une réduction ou un déplacement de certaines barrières, notamment celles posées par les hommes. Le travail sur la transformation des masculinités – encore embryonnaire – vient justement boucler le continuum RBET, en se centrant sur quatre questions-clés : le respect, le partage de la prise de décision, la responsabilisation et l’absence de toutes les formes de VBG.
Pour l’heure, le genre est intégré de façon explicite dans
- les formations des femmes sur les activités génératrices de revenus (gestion du temps, prise de décision) ;
- le coaching social individualisé qui est orienté sur l’agentivité avec visée d’empowerment ;
- le coaching social en groupe (ateliers de réflexion) orienté vers l’émergence d’une certaine conscience critique constitutive de l’empowerment ;
- la formation des membres des AVEC sur la gestion des chocs pour tenir compte des rôles différenciés des hommes et des femmes face aux chocs, et partiellement dans les discussions sur la prise de décision en matière d’épargne.
Les personnels sont formés, progressivement, sur la durée du déploiement de la cohorte et la mise en place de la nouvelle mouture dont la construction se poursuit au fur et à mesure des apprentissages est, de fait, une expérimentation. Ceci étant, des besoins additionnels se font jour en matière de coaching de couple et de coaching adapté aux cas exceptionnels, d’appui complémentaire à la gestion en amont des risques de chocs sur les moyens d’existence (incluant les tâches domestiques), et d’intégration du genre dans les AVEC. Un appui est également requis pour faire remonter apprentissages et perceptions des membres, notamment sur les services de garde des jeunes enfants fournis par CLM durant les périodes de formation.

Propositions sur le design des mécanismes de CLM pour l’empowerment des femmes
Sensibilisation et coaching des couples
Le déploiement du discours sur la coopération au sein du ménage, pour les membres qui sont en couple, doit être renforcé dans le cadre d’un coaching social dédié spécifiquement aux couples. Pour l’heure, l’imbrication entre le coaching social individualisé, focalisé sur la femme (ou l’homme) membre de la cohorte et le coaching social de groupe (ateliers Bati konfyans et Transformer les masculinités) est encore ténue. Or il est important de suivre et surtout de soutenir ou de consolider les processus de changement amorcés par les conjoints et les conjointes à partir des ateliers collectifs ou du coaching individualisé. Il s’agit de trouver comment les membres des couples peuvent choisir de construire un itinéraire ensemble, même sur un jeu d’objectifs minimum, tout en considérant les mille et une manières de gérer les conflits lorsque ceux-ci se présentent. Pour les cohortes actuelles, ceci serait essentiellement pour prolonger le travail déjà effectué. Pour les cohortes futures, le dispositif de sensibilisation et de coaching devra être intégré dès le début. Les leçons apprises sur le fonctionnement des couples pourraient être versées dans les ateliers de réflexion (Bati konfyans et Transfome maskilinite yo).

Appui pour la gestion des cas des hommes sans conjointe membres de la cohorte et des cas de VBG exercées par les femmes sur les hommes
L’intégration du genre est centrée sur les femmes et les masculinités transformatives et peu d’attention est accordée aux hommes membres de la cohorte et généralement sans conjointe (l’absence de conjointe est l’un des critères de sélection des hommes en sus de l’ultra-pauvreté comme telle). De la même manière, les cas des femmes qui exercent des violences basées sur le genre sur les hommes doivent être examinés de près. Il s’agit pour l’essentiel de mieux outiller les gestionnaires de cas et les superviseur.e.s pour l’analyse des cas et les suivis dédiés.

Coaching des membres sur les conditions de vie et les moyens d’existence
La forte exposition du Sud-Est à divers types de chocs covariants, et plus récemment à la sécheresse puis aux inondations, oblige à penser l’adaptation des contenus des formations et du coaching pour aider les membres à anticiper et diluer les prises de risques par la diversification ex ante, aussi bien en matière d’agriculture qu’en matière de gestion de l’eau tout en maintenant la perspective de genre. Dans le premier cas, il s’agit de définir les dispositifs en tenant compte des contraintes imposées par le genre mais aussi des espaces d’autonomisation à consolider ou à créer (jaden lakou par exemple). Dans le second, la gestion de l’eau - un domaine réputé féminin pour ce qui est de l’approvisionnement du ménage - doit être ouverte au partage des responsabilités et des tâches tout en étant « repensée » pour améliorer la situation des ménages face aux risques de sécheresse.

Associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC)
L’AVEC est un dispositif majeur du modèle d’intervention de CLM. A date, les questions de genre ne sont pas suffisamment intégrées « en soi » ni d’ailleurs en articulation avec une démarche de consolidation/autonomisation des AVEC. Autrement dit, les questions suivantes sont ouvertes :
- comment assurer la « circulation » des questions de genre déjà posées dans les espaces bilatéraux et collectifs du coaching social vers les AVEC et vice-versa ?
- comment capitaliser sur les jeux des relations de genre dans les décisions et comportements en matière d’épargne et de crédit dans la relation entre le ménage et l’AVEC ? Jeux de coopération, jeux de conflits.
- comment aborder la question du renforcement des AVEC pour un fonctionnement aussi autonome que possible par rapport aux agents de suivi en place ?
- comment renforcer ou protéger les AVEC ? Celles-ci ont été longtemps pensées comme un instrument de résilience mais la situation économique actuelle en montre les limites : l’instrument est en effet affecté indirectement par les chocs subis par les membres, sachant que ces chocs sont également médiés par le genre. L’expérience récente des inondations dans le Sud-Est a amené des discussions au sein des AVEC pour un assouplissement des règlements sous la contrainte de la recherche d’une rentabilité financière raisonnable en contexte de forte inflation. Ceci étant, il faudrait examiner dans quelle mesure les AVEC peuvent être appuyées en tant que telles pour une meilleure solidarité à l’interne tout en tenant compte des enjeux de genre.
Formation des personnels sur les nouveaux design
Une fois les propositions effectuées, les personnels désignés par la direction de CLM devront être formés par le.la consultant.e et évalués. Les outils d’évaluation doivent être conçus comme des outils généraux à ré-utiliser autant que possible.

3. Offre technique
L´équipe de CLM cherche donc une expertise en intégration du genre dans les programmes de protection et de promotion sociales et les programmes de développement pour
1. installer le coaching de couple et l’appui aux cas particuliers (hommes sans conjointe et VBG exercées par les femmes) ;
2. faciliter les apprentissages des membres de CLM pour une meilleure gestion en amont des risques sur leurs moyens d’existence et leurs conditions de vie ;
3. intégrer le genre dans les AVEC dans une perspective de renforcement des AVEC et d’amélioration de la protection et de la résilience de celles-ci ;
4. alimenter l’espace des apprentissages de CLM, notamment sur la question des services de garde.
L’expert.e devra par conséquent
- Elaborer les approches, les contenus (guides ou petits manuels) et les outils (protocoles ou questionnaires) pour leur intégration dans la nouvelle mouture de CLM ;
- Assurer la formation des équipes de terrain (superviseur.e.s et gestionnaires de cas) et d’autres personnels et l’évaluation des personnels de CLM ayant participé aux formations ;
- Elaborer un cadre de suivi et de supervision opérationnel, en fonction de la charge de travail des personnels.
En amont, le.la consultant.e devra
- consulter la documentation sur les programmes de graduation, le modèle d’intervention de Fonkoze et en particulier ;
- rencontrer les personnels de CLM, de l’équipe de direction de CLM aux gestionnaires de cas concernant le coaching habituellement assuré par les gestionnaires de cas et la supervision du coaching (enjeux, modalités et conditions de travail) ;
- réaliser des entrevues individuelles ou des rencontres de groupe avec un échantillon de membres de CLM à Grand-Gosier et à Belle-Anse pour en connaître le profil et saisir les enjeux de l’adaptation des approches et matériels existants. Les matériaux recueillis devront être systématisés pour être versés dans une banque de cas et d’apprentissages.
L’offre technique devra couvrir le périmètre de travail définit plus haut et présenter un chronogramme détaillé pour une enveloppe de 30 personne-jours à déployer sur quatre mois calendaires tout au plus.

4. Offre financière
L’offre financière sera exprimée en US $. L’offre sera détaillée selon les activités proposées dans l’offre technique.
La Fondation Fonkoze s’engage à rémunérer le.la consultant.e en dollars américains.
Les paiements seront effectués sur un compte bancaire au nom du.de la consultant.e.

5. Relations-clés
Le.la consultante travaillera sous la supervision de l’experte en protection sociale et en genre de l’équipe de direction du programme Chemen Lavi Miyo avec qui il.elle aura des rencontres régulières.

Profil requis
Les compétences requises sont les suivantes, sur la base d’au moins cinq années d’expérience :

1. Avoir au moins une maîtrise en économie, sociologie, anthropologie, agronomie, ou une autre discipline liée à la protection sociale ou au développement;
2. Avoir des connaissances suffisantes en genre, notamment en lien avec le milieu rural haïtien;
3. Avoir déjà travaillé comme formateur.rice au bénéfice de familles vulnérables en Haïti, notamment en milieu rural ;
4. Avoir déjà travaillé dans la formation de coach ou d’agents de sensibilisation en matière de genre ;
5. Connaître les approches de suivi-évaluation ;
6. Maîtriser le créole et le français comme langues de communication et de rédaction ;
7. Etre capable de travailler en équipe et de motiver des équipes de terrain.

Cliquer ici pour télécharger le dossier complet d’appel d’offres

. Instructions pour l’envoi des offres
Le dossier d’offres doit contenir
a. l´offre technique
b. l’offre financière
c. un curriculum vitae à jour indiquant que le profil correspond aux compétences requises et précisant les expériences professionnelles pertinentes pour la mission.

Les offres doivent être envoyées par courriel au plus tard le 5 août 2023 à minuit à toutes les adresses électroniques suivantes :

fkzprocurement@fonkoze.org
n.lamaute.brisson@fonkoze.org
hartus@fonkoze.org
swerlin@fonkoze.org
bjfrancois@fonkoze.org