HAITI, FACE AU PHÉNOMÈME DE L´IMMOBILISME SOCIAL ET POLITIQUE[1]de FABIEN JEAN| JobPaw.com

HAITI, FACE AU PHÉNOMÈME DE L´IMMOBILISME SOCIAL ET POLITIQUE[1]


Cet article propose de faire ressortir le phénomène d´immobilisme social et politique qui caractérise la société haitienne. Pour ce faire, il s´agit, en s´appuyant sur les arguments de quelques auteurs, d´analyser ledit phénomène à partir de trois grands éléments: le populisme, le mutisme et le propagantisme qui, en outre, constituent les différentes parties du présent article. En effet, la première sera consacrée une problématisation du populisme où une considération particulière sur le populisme à l´aristidienne sera soulignée. La seconde partie est une analyse critique du mutisme du président Préval au cours de ces deux mandats quinquenaux ainsi que ses impacts politiques sur la société haitiennes, enfin, la troisième partie, s´intitulant le propagantisme politique polluant de Martelly, est une analyse plus approfondie d´un article publié en 2012 sur la propagande politique à laquelle se livre M. Martelly depuis son accession au pouvoir.
Sommaire

Résumé
Introduction générale
Première Partie: Le populisme et le populisme aristidien
Deuxième Partie: Le mutisme prévalien
Troisième Partie: Le propagantisme politique polluant de M. Martelly
Conclusion: Y aurait-il une porte de sortie?


Le populisme et le populisme aristidien (1ère Partie)

1.1. Récapitulation des faits historico-politiques
1.2. Problématique d´une définition du Populisme
1.3. Le populisme aristidien

Le mutisme prévalien (2ème Partie)

2.1. Première caractéristique du mutisme prévalien
2.2. Seconde caractéristique du mutisme prévalien
2.3. Difficulté d´accorder une image de populiste à Préval
2.4. Le mutisme prévalien en dehors du pouvoir
2.5. Facteurs temporels et conjonctutels en faveur du terminus du second mandat de Préval

Le propagantisme politique polluant de Martelly (3ème Partie et fin)

3.1. Ce que la propagande politique est en réalité
3.2. Propagantisme politique: Avantages et inconvénients
3.3. Les stratégies du propagantisme politique de Martelly
3.4. Propagande politique, abus des fonds de l´État et corruption
3.5. Le vandalisme institutionnel

Conclusion: Y aurait-il une porte de sortie?

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Plus d´uns se cassent la tête en cherchant à savoir qu´est-ce qui est à l´origine de ce phénomène d´immobilisme social et politique dans lequel Haiti est plongée depuis des années. Au-delà de tout autre facteur, une réflexion critique sur notre culture politique ou du moins notre manière de faire de la politique en Haiti marquée par le populisme, le mutisme et le propagantisme, devrait nous aider à comprendre et à mieux cerner ce phénomène. Il convient, de ce fait, de questionner cette culture politique. C´est à cette difficile tâche que nous prétendons consacrer cet article.
En effet, sur le plan de culture politique, l´Haiti contemporaine de 1990 à nos jours, a connu trois grands phénomènes socio-politiques, il s´agit du populisme, du mutisme et du propagantisme qui sont en même temps des courants d´idées qui ont marqué sa vie politique. Ces trois grands mouvements idéologiques, ancrés dans un handicape majeur d´un plan visionnaire et progressif, ont plongé le pays dans un état d´''immobilisme'' tant sur le plan de développement humain et de promotion sociale que celui des avancées économiques, structurelles et infrastructurelles, pas la peine de mentionner celles se rapportant à la technologie. Une immobilisation paralysante qui se traduit par le fait que, jusqu´au moment où l´on parle, l´haitien vit dans un éternel hier était meilleur qu´aujourd´hui, autrement dit, pour l´haitien l´année dernière était plus bonne que cette année-ci dans laquelle il vit, disons mieux, il vivote présentement. Le désespoir est à son comble dans un pays où la scène politique est polluée de slogans politiques à caractère populiste et propagantiste qui agancent la faim et la misère du peuple. Ce sentiment de désespoir étant total est le signe d´un handicape dont souffre l´histoire sociale, mais surtout politique du peuple haitien qui, - ne serait-ce qu´une forme d´illusion, car en fait l´histoire est dynamique et progressive - ne progresse pas comme elle devrait l´être, c´est-à-dire nous marchons à reculons. L´avenir social, politique et économique de la société haitienne baigne dans une profonde incertitude. Personne ne sait où on va. Tout cela résulte de ce que, depuis plus de deux décennies, la politique politicienne haitienne rentre dans une dynamique de populisme aristidien pour tomber dans un propagantisme martellytiste en passant par un mutisme prévalien. De ce fait, il s´avère très difficile de pointer du doigt un changement de telle nature ou dans tel secteur d´activité ou à tel niveau dans le cadre d´un processus historique engendré par l´une ou l´autre de ces cultures politiques.
Le populisme, le propagantisme et le mutisme, porteurs de résultats déconcertants, immobilistes et paralytiques, sont tous nocifs et contagieux pour le peuple haitien. Que faut-il entendre par ces trois façons de faire de la politique en Haiti? Le présent article a pour objet, par conséquent, de discuter ces trois mouvements idéologiques avec trois figures emblématiques de la culture politique contemporaine haitienne, à savoir, Aristide, Préval et Martelly. Car depuis un certain temps, ces pratiques deviennent une triture politique en Haiti, une sorte de technicité pour asseoir une forme de gouvernance qui, bien qu´infructueuse, s´impose. Le populisme, le mutisme et le propagantisme, trois thèmes clefs autour desquels s´articuleront nos réflexions analytiques sur la situation critique des problèmes socio-politiques du pays, sont les caractéristiques fondamentales de la culture politique haitienne depuis plus d´un quart de siècle. Mais, bien avant d´y parvenir, nous allons essayer de récapituler les faits historico-politiques qui nous ont amené à ce carrefour et poser la problématique d´une définition du concept de populisme lui-même qui, comme nous le verrons plus loin, différemment du propagantisme et du mutisme, est plus une théorie politique qu´un comportement ou une stratégie politique de nature spontanée permettant de mieux gouverner.

LE POPULISME ET LE POPULISME ARISTIDIEN (PREMIÈRE PARTIE)

1.1. Récapitulation des faits historico-politiques

Un discours populiste à caractère charismatique, pas trop démagogique, a permis, en 1990, au président Aristide d´accéder au pouvoir. Cela se comprend, car le système politique de l´époque était facilement vulnérable et compatible à tout discours populiste qui, au cours de cette période historico-politique, était à son apogée. Ce discours peut se justifier en outre par le fait que le peuple, fraîchement sorti d´une dictature de 29 ans et plongé dans une soif démesurée de messages méssianiques et libérateurs - telle est généralement l´image de tout courant populiste - ne pouvait compter que sur ces procédés pour panser ses blessures, sans avoir, cependant, la moindre conscience du danger auquel il se serait exposé en s´y adhérant. Nous avons précipitemment rentré dans une démocratie colorée de populisme même bien avant l´arrivée de M. Aristide. Donc, la rupture théorique d´avec la dictature en 1986 n´a engendré de cette date à nos jours (avant le coup d´état de 1991) que des régimes populistes prenant différentes formes.
En second lieu, entre 1996 et 2011, durant deux quinquennats, Haiti s´est fait la championne d´un État qui n´existe ni en parole ni en acte, l´image par excellence d´un mutisme politique, d´une irresponsabilité de l´État face à ses devoirs marquée, d´une part, par le mutisme psychologique d´un chef qui n´est pas trop bavare, fuyant la Presse, souvent silencieux et sourd sur des questions politiques poignantes, mais d´autre part, par une espèce d´un laisser-aller de la part d´un Exécutif dirigé par un homme, en l´occurrence M. Préval, qui invite son peuple à se chercher lui-même les moyens qu´il estime les plus appopriés pour survivre, se contruire une vie bon gré malgré, d´où la fameuse expression ''NAJE POU SÒTI''.
La trosième phase de cette décente aux enfers socio-politique du peuple haitien est marquée par ce que nous pouvons appeler un cataclysme politique, une foudre historique et un coup de tonnerre et d´émotionalité politique, voilà comment pouvons-nous qualifier ce qui est arrivé à Haiti lors des élections de 2010 après le terrible tremblement de terre. En effet, un accident de l´histoire, l´un des plus virulents de l´existence d´Haiti, a porté à la tête de l´État M. Martelly, nommé par l´international et installé en mai 2011, l´un des propagantistes professionnels avérés que l´histoire sociale et politique haitienne n´ait jamais engendrés. C´est par son talent de musicien et par la sorcelerie politique qu´il a séduit le peuple haitien puis précipité l´État haitien dans l´abîme par ses propagandes politiques.
Ainsi, face à une telle situation, il a fallu plus d´un quart de siècle (de 1990 à nos jours) d´égarement pour comprendre que réellement ces trois mouvements n´ont fait qu´enterrer le peuple haitien. Lequel quart de siècle se trouve entrecoupé par 10 ans de populisme aristidien interrompus, 10 ans de mutisme prévalien qui ne dit pas généralement son nom, et ces cinq années de propagantisme politique nocif et polluant qui ne fait qu´intoxiquer le peuple haitien dans lesquels nous vivons actuellement. Que nous réserve l´avenir après M. Martelly qui, se conjuguant d´ores et déjà au passé, est, néanmoins, rentré dans les annales de l´histoire sociale et politique haitienne?
Si M. Aristide est le prototype du populisme qui était à son comble dans la société haitienne jusque dans les années 2003, M. Préval, son ancien dauphin de 1991 à 2001, celui d´un mutisme stratégique - nous disons bien stratégique et plus loin nous allons montrer pourquoi - alors M. Martelly s´inscrit dans la lignée d´un courant propagantiste, l´une des potentialités que lui vaut son talent de chanteur, car en tant que tel, il est un excellent meneur de foule, il sait comment la séduire par un discours démocratique coloré de populisme, mais surtout de propagantisme. Toutefois, la propagande politique, qui est une sorte d´intoxication et de pollution de la volonté collective, a toujours existé avant M. Martelly, car nul chef d´État ne peut s´empêcher de faire de la propagande politique qui se veut une des armes puissantes de tout leader qu´il soit populiste ou pas. Le populisme suppose en lui-même la propagande. Mais avec M. Martelly, c´est le règne de la médiatisation du propagantisme politique par l´utilisation des nouvelles Technologies de l´Information et de la Communication, les TIC, comme la télévision - M. Martelly a sa propre chaîne de télévision appelée MatellyTV -, l´internet, les réseaux sociaux tels que facebook, twitter, une sorte de télé-propagantisme dans le sens de Taguieff (2004) dont il s´est fait le champion. Sur ce, le propagantisme politique a atteint son point culminant, un sommet auquel il était difficilement parvenu au cours des vingt cinq dernières années. Par ailleurs, il importe de souligner que c´est en ayant hérité, comme on argue à le dire dans le langage populaire haitien, d´un pouvoir de ''GWO PONYÈT'' (c´est-à-dire un pouvoir issu de la raison du plus fort d´origine étasunisienne), que M. Martelly, une fois à la tête de la magistrature suprême de l´État, a pu finalement instaurer son système de propagantisme politique. Et, pour conserver le pouvoir, il s´astreint à ne recourir qu´à deux formules politiques controverses dont le propagantisme politique par le truchement duquel il tente d´endormir le peuple jusqu´à l´achèvement de son mandat est la principale, ensuite vient le discours politique de deux poids deux mesures élogieux, d´une part, envers un international arrogant, silencieux, avare et sinique, mais dérangeant, provocateur et même très déconcertant pour l´opposition politique et l´opinion publique, de l´autre. C´est à ce carrefour de propagantisme politique mélangé d´un populisme sournois que se retrouve notre Haiti chérie aujourd´hui.

Par ailleurs, si le populisme, comme tout mouvement idéologique, est une arme à double trenchant en ce sens qu´il peut élever un leader au sommet de sa réputation sociale et politique en même temps qu´il peut l´entrerrer; si le mutisme d´un chef d´État, susceptible d´être synonyme d´un laisser-faire et d´un laisser-aller, s´effectue dans une parfaite complicité avec l´international dans le but d´achever son mandat après avoir trompé la vigilance de plus d´uns y compris ses opposants les plus radicaux, de façon à pouvoir, en conséquence, continuer à rester tranquilement dans son pays sans se reprocher et sans être reproché de quoi que ce soit, donc lavé et blanchi de tout soupçon; enfin, si le propagantisme politique énervant, au même titre que le populisme démagogique ou la démocratie truquée et corrompue, a pour objectif principal de leurrer le peuple, de l´intoxiquer, de le chosifier, de polluer son intelligence avec des scories tout en faisant fi de ses principales révendications, tout en se comportant comme sourd, muet et aveugle - sans aucune intention d´offenser ceux-là qui vivent avec de telles déficiences physiques - tout en ne se laissant enfin conduire que par son propre charisme de type propagantiste, alors il convient de nous poser la question suivante: Lequel de ces trois courants d´idées, à savoir, le populisme, le mutisme et le propagantisme, est, dans le cas d´Haiti, le plus avantageux pour un leader politique et ses flagorneurs et l´est moins pour l´intérêt du peuple haitien? C´est une question à laquelle nous allons tenter de répondre tout au long de cet article en abordant séparément chacun de ces mouvements, mais pour l´instant il nous semble important de souligner le problème de définition que pose le concept de populisme.

1.1. Problématique d´une définition du concept Populisme

Que devons-nous entendre par la notion de populisme? Qu´est-ce qu´un populiste? Quel rôle joué par un populiste dans la société? Quelle est sa place au sein d´un système politique? Quelle est la différence entre un populiste, un démagogue et un démocrate? Quel est le sens contemporain de la notion de populisme aujourd´hui? Sous quel visage un chef populiste se présente-t-il d´ordinaire? Quelle est la place du charisme dans le populisme? Sur le sujet les interrogations ne cessent de pleuvoir. Néanmoins, pour ce qui concerne cet article, trois aspects devront nous intéresser, il s´agira de préciser ce que le populisme est en soi, la relation entre le peuple et le populisme, la nature et l´image que projette tout leader populiste avant d´aborder le modèle populiste aristidien.
Le populisme, concept polysémique à la fois objet d´un suremploi et d´un emploi abusif, traduit littéralement tout mouvement, toute initiative ou toute stratégie - de nature plus ou moins désorganisée, non conceptualisée et théorisée - ayant pour épicentre le peuple dont la défense des intérêts représente la cause centrale et l´objectif principal. Disons mieux d´une autre manière, le peuple constitue l´un des principaux chevaux de bataille de tout courant idéologique de nature populiste ou encore de tous les hommes politiques qui se réclament être populistes ou ont été taxés comme tels. En effet, le discours d´un leader politique ou le leader lui-même ou encore un mouvement populaire peut être taxé de populiste pour quelques-unes des raisons suivantes: Soit qu´il dérange à la démocratie formelle et institutionnelle existante, mais décriée et dévoyée parce que, corrompue et pourrie, elle camouffle et bluffe, soit qu´il est en nette opposition avec l´ordre établi et véhicule un message de ''haine'' (il faut songer, dans ce cas précis, au populisme aristidien en Haiti et au populisme lépéniste en France), soit qu´il dit crûment sans utiliser la langue de bois ce que les autres pensent tout bas, soit qu´il ose porter à l´attention de tout le monde, suivant ses propres stratégies provocatrices et parfois violentes, les vrais problèmes des masses populaires particulières bien souvent oubliées, soit qu´il proteste contre l´injustice sociale, l´inégalité sociale, la répartition inégale des richesses, soit qu´il se détermine à contredire les programmes gouvernementaux, etc.
Le mouvement populiste s´inscrit dans une lutte acharnée marquée par une éternelle insatisfaction, en d´autres termes, les populistes sont des éternels insatisfaits. En ce sens, tout mouvement populiste est à l´origine moraliste et identitaire en ce qu´il veut blâmer la morale politique existante, critiquer l´élite économique cupide et défend une doctrine identitaire des peuples contre toute vision universaliste estimée dangeureuse pour la conservation des valeurs, des moeurs, des traditions, des coutumes, des cultures et de la morale à caractère national. Le caractèrre populiste d´un courant ou d´un mouvement provient, le plus souvent, de l´extérieur, du dehors, de l´autre camp adverse, et s´inscrit dans un processus de déconsidération et de décoloration de la réalité. Ce qui fait qu´il y a, d´un côté, la nature du mouvement populiste en lui-même, c´est-à-dire ce qu´il est dans son essence et ce qu´il engendre comme résultat, et la perception ou la lecture de l´adversaire ou de l´opinion publique d´un tel mouvement de l´autre.
En effet, de nos jours, à l´époque contemporaine où nous vivons, traiter un chef d´État ou un leader politique de populiste est le plus souvent perçu comme une insulte proférée à l´égard de ce dernier, une injure pour susciter un affaiblissement de son intellectualisme et une justification de son illetrisme. En d´autres termes, c´est le rendre impotent sur le plan moral et éthique et tendre à anéantir sa carrière politique. L´image contemporaine qui nous est donnée d´un chef populiste - sans besoin de remonter à l´histoire du populisme en Europe, plus particulièrement en Russie, en Amérique Latine, plus précisément en Argentine et au Mexique, où il était synonyme de pouvoir du peuple plutôt que de démagogie politique - est celle d´un déréglé, d´un hors la loi, d´un hors norme pour la simple et bonne raison que ce dernier se met au côté d´une bande d´idiots, d´analphabètes qu´est le peuple dont il défend les intérêts, au lieu de défendre ceux des élites oligarchiques. Tout dirigeant politique dès qu´il s´identifie lui-même ou son régime au peuple est toujours perçu comme populiste de telle sorte qu´il devient partisan d´une bande de mécriants et d´incultes (Delsol, 2008; Taguieff, 2004; Deleersnijer, 2006). Chavez au Vénézuela, Poutine en Russie, Le Pen en France, même Bush aux États-Unis, et plus près de nous, notre fameux Aristide, tous ces chefs d´État contemporains n´ont pas pu échapper à ce qualificatif.
Pour Le Pen et Aristide, c´est un peu différent, parce qu´ils se sont eux-mêmes réclamés d´être du peuple et pour le leader du FN il se dit qu´il est lui-même le peuple. Donc, sans besoin d´aller plus loin dans le débat si complexe et compliqué sur les diverses théories et les différents types de populisme, il convient de retenir que le populisme est le mouvement politique le plus mal vu de l´histoire sociale et le plus critiqué de l´histoire politique contemporaine. Il est considéré comme étant désastreux, désavantageux et fragile pour l´avenir de la démocratie et pour le peuple lui-même duquel il prétend faire la volonté. Mais, par ailleurs, il faut admettre aussi que c´est un mouvement problématique qui dépasse l´entendement et la compréhension des grandes théories politiques telles que le parlementarisme tant en Europe, en Amerique Latine qu´en Afrique ou en Asie où il est en germe. Néanmoins, le grand problème, c´est qu´au lieu de chercher à comprendre, à étudier et à analyser le mouvement populiste, plusieurs théories politiques et théoriciens de la démocratie ont préféré le condamner, le banaliser et le diaboliser. Il est dit qu´un populisme excessif tend à la démagogie et est toxique pour le peuple. Un populisme qui tend à flatter les particuliers, la faveur du peuple est de la sorte un affront à la démocratie, une effronterie à la dignité et à la personnalité de ses leaders, ainsi il effondre la société. Mais qu´est-ce que le peuple? Ceux-là qui prétendent défendre les intérêts du peuple sont-ils eux-mêmes du peuple? Qu´est-ce qu´ils deviennent après avoir accédé au pouvoir au nom du peuple? C´est là un autre problème à résoudre.

Se basant sur l´historiographie du populisme - entendons par là l´évolution historique du populisme en tant que mouvement du peuple ou le peuple en mouvement - tous ceux qui ont fait du peuple la cause de leur lutte pour mieux s´enrichir, ne se sont jamais issus du peuple, n´appartiennent point au peuple, mais à une élite économique et à la bourgeiosie écrasante qui se veulent toujours être les fervents défenseurs d´un peuple qu´elles prennent souvent pour des canails, qu´elles ne comprennent jamais et dont elles ne connaissent absolument rien concernant ses véritables besoins sinon il ne se serait pas révolté contre elles, voilà pourquoi le populisme est le plus souvent pris pour une révolte sociale et politique, et traduit les frustrations et tout l´état colérique d´un peuple exploité, épuisé et meurtri. Par ailleurs, plus précisément dans le cas d´Aristide, certains défenseurs du peuple dans le passé, même s´ils ont été issus du peuple, mais une fois accédés au pouvoir, ils lui tournent le dos, ils l´oublient. Ils ont pris le pouvoir au nom du peuple, mais ils gouvernent contre le peuple, ''car finalement la foule sera perdante et bernée: le tyran, après avoir supprimé les élites, gouvernera contre elle'' (Delsol, Op. cit. p. 19). Or, bien qu´originellement séparés ou détachés du peuple, ils continuent toutefois à tenir un discours fourvoyant, ce dans le but d´impressionner un peuple qui, en réalité, n´est plus dans leur agenda.
Cependant, un chef populiste est, le plus souvent, victime de son propre populisme ou sa propre popularité dans la mesure où il s´est laissé découvrir par le peuple dans ses actes de dupérie. Tombés dans son propre piège d´excès de populisme, les chefs populistes précipitent leur propre chute. Ils deviennent les pirs ennemis du peuple. Nous en déduisons ainsi que le chef populiste l´est, aux yeux des élites lorsqu´il prétend défendre excessivement les intétrêts des particuliers, et peut l´être aussi dans la pensée collective quand il est entrain de tromper le peuple. Dans les deux cas, le mal est infini. Mais, dans la perception des élites, le populiste est un pauvre type, mais très dangereux pour l´avenir de la démocratie et de leurs intérêts. Son discours est révoltant, haineux et à la limite meurtrier. Il faut à tout prix l´étouffer au préalable. Mais pourquoi faut-il l´étouffer si le populisme vise le même sujet que la démocratie à savoir le peuple?

Si le populisme et la démocratie se sont tenus la main en se référant au peuple, en se fondant sur la volonté populaire et en se disant être le pouvoir du peuple, ce dernier en est melheureusement si souvent la principale victime. Populisme et démocratie, en se réclamant d´être au côté du peuple, font bon ménage en ce sens que les deux prétendent travailler au profit des masses populaires, mais les théories sont presqu´unanimes à insinuer, malgré les nuances, que tout mouvement populiste est à priori anti-démocratique parce que le populisme souffre de plusieurs problèmes d´ordre conceptuel, théorique et doctrinal, le populisme, ajoutent les théoriciens, est une corruption idéologique et une perversion méthodologique de la démocratie (Mény et Surel, 2008; Beleersnijer, Op. cit; Taguieff, Op. cit; Dorna, 1999; Dorna et Viqueux, 2004; Hermet, 2000; 2008; Hermet, Loaeza et Prud´homme, 2001). Non seulement tout pouvoir qui se serait déclaré ouvertement être du populisme - ce qui est d´ailleurs très rare, car, affichant un comportement de plus en plus prudent et véhatif, on est plus enclin à prendre un verre avec un démocrate qu´avec un chef populiste de peur de perdre sa réputation - sera combattu par les élites économiques et bourgeoises qui, optant pour la démocratie et la bureaucratie capitaliste, estiment le mouvement populiste extrêmement dangereux pour leurs intérêts et pour ceux du peuple; mais surtout, le populisme est en soi dangereux pour le peuple lui-même, car de nature émotionnelle, charismatique et exastique, il est souvent la pulsion d´un chef charismatique animé d´une volonté personnelle et émotionnelle de tout renverser en transformant bien sûr généralement une simple question personnelle en droit. Mais, de quel peuple il s´agit? Une catégorie à priori bien construite dans la pensée des élites et des dirigeants et jamais le peuple en tant qu´il s´agit des masses les plus pauvres, défavorisées, misérables, mal nourries et mal vêtues, celles sur qui les cafards dorment chaque jour.
C´est en ce sens que le populisme est le plus souvent pris pour une déformation, une maladie voire une négation de la démocratie. Ce, non pas parce qu´il ne prend pas la défense du peuple, mais parce qu´on estime que les stratégies utilisées par lui pour le défendre vont à l´encontre du bien être du peuple et des principes démocratiques. Donc, les auteurs en s´attaquant aux problèmes d´ordre structurel, organisationnel et institutionnel du populisme pour faire ressortir sa dangerosité pour le peuple impatient d´une amélioration de sa condition de vie, touchent à un point crucial de la problématique du populisme dans l´histoire de la politique contemporaine que les théories de la rationalité politique tendent à fuir. À ce titre, même le peuple doit se méfier des chefs populistes et de tout mouvement populiste, car ce n´est pas tout mouvement de ce genre qui défend ou est capable de défendre véritablement sans hypocrisie les problèmes réels du peuple. Mais, la démocratie n´a pas besoin de se triompher ou de se rire des déficiences du populisme pour se croire être saine et parfaite aux yeux du peuple, car elle aussi - même si jusqu´à présent elle est moins pire et corrompue que les autres systèmes politiques - est contre-productive pour le peuple en ce sens qu´elle n´arrive pas vraiment à le sortir de son trou de misère et de désespoir pour le garantir un lendemain meilleur.
Dans la majorité des pays à système démocratique dans le monde les peuples sont marginalisés, maltraités, exploités et même oubliés au profit du capitalisme prédateur. Les pays les plus pauvres au monde tant en Amérique, en Afrique qu´en Asie, sont ceux qui ont la démocratie comme régime politique. Donc, face à ce dilemme, il faut aussi poser non seulement le problème du rôle et de la place de la démocratie dans le monde, mais encore son avenir face à un capitalisme à outrance au service duquel elle se met. Par ailleurs, il est périlleux pour une société de se laisser intoxiquer et asphyxier par le populisme, car tout discours de chef populiste est cancéreux pour le développement d´une société à en croire les théoriciens. Le populisme contemporain est un discours démagogique qui n´a rien à voir avec le besoin réel du peuple. Entre la démagogie et le populisme, il y a une synonymie et une ressemblance, à caractère historique, tellement frappantes qu´il n´y a pas lieu de les dissocier. Ainsi, pour clore cette partie, nous pouvons retenir que le populisme est une révolte sociale et politique qui remet en question l´existence et l´institution de la démocratie bien que le peuple occupe le centre d´intérêt de chacun d´eux. Mais, les deux parlent-ils le même langage en employant le mot peuple? Quelle est la nature du peuple auquel la démocratie se réfère et celui dont parle le populisme?
Nous pouvons répondre rapidement et succintement en disant que le peuple du populisme est celui des masses défavorisées, les pauvres extrêmes, les analphabètes, les incultes, les misérables et les miséreux, les gens oubliés dans la politique de gouvernance étatique. Mais, la démocratie a toutjours dans sa tête un peuple civilisé, instruit, éduqué, connaissant et maîtrisant les règles et les principes démocratiques. Elle va jusqu´à une exagération - et même un excès de langage accru - en considérant le peuple comme la catégorie de gens capable de se contrôler même lorsqu´il se metterait en colère. Ainsi, le peuple de la démocratie étant catégoriel est un idéal-type bien construit pour désigner ceux-là qui ont atteint un certain niveau de civilisation. La définition ou la perception démocratique du peuple est une pure exclusion maquillée et une espèce de discrimination qui ne dit jamais son nom (Taguieff, 2004; Mény et Surel, 2000). Le peuple du populisme dans le sens de ce que Tarde entend par la foule, est cette masse désordonnée et désorganisée d´individus sans distinction aucune (Tarde, 2010). Mais le populisme n´est pas forcément mauvais en soi, tel que la démocratie tend à le diaboliser, il peut tendre effectivement son combat et sa lutte vers l´intérêt du peuple jusqu´à se faire taxer de communisme par ceux qui s´y opposent férocement. Ainsi, tout mouvement populiste a, au prime abord, un caractère socialiste, en ce qu´il se détermine à améliorer les conditions sociales des plus démunis. Était-ce là la vision de M. Aristide lorsqu´il s´est fait le héros haitien du populisme?

1.2. Le populisme aristidien

Nous devons nous demander, dans le cadre de cette analyse critique du populisme aristidien, pourquoi les deux mandats présidentiels de M. Aristide, le premier de 1991 à 1996, et le second de 2001 à 2006, ont été si brutalement interrompus et inachevés en 1991 et en 2004, alors que M. Préval a bouclé les siens, le premier de 1996 à 2001 et le second de 2006 à 2011 comme sur des roulettes? La réponse peut être trouvée dans son populisme charismatique qui est l´un des facteurs capables d´expliquer ce double échec. Néanmoins, ce jeune prêtre, fraîchement sorti de Saint Jean Bosco, manifestait - il faut être honnête de le dire - dès le départ de très bonnes intentions à l´égard du peuple. Il convient, de ce fait, d´examiner le personnage, et, pour mieux le faire, nous allons distinguer l´Aristide des années 1990 de celui des années 2000 sachant que cet examen se situe avant les deux exils dont il a souffert. Demeurant apparemment physiquement et moralement le même personnage - un populiste avéré et prostestataire - le premier exil l´a complètement métamorphosé.

En effet, c´est la popularité et le populisme d´Aristide, engendrés par un mouvement populaire appelé le FNCD (Front national pour le changement et la démocratie), un parti dans son essence populiste prônant un discours rassembleur, qui l´ont permis d´accéder au pouvoir avec plus de 60 % des voix lors des élections tenues en 1990 et provoqué en même temps sa chute en 1991, c´est pourquoi nous avons dit au commencement que le populisme est une arme à double tranchant. En fait, la chute d´Aristide de 1991 est due à sa position en faveur du peuple, son ambition trop poussée à vouloir changer ses conditions de vie, ce que les élites oligarchiques ont détesté amèrement et ce qu´ils ne veulent tolérer chez aucun leader, qu´il soit charismatique, populiste ou méssianique, car, comme nous venons de le montrer, tout leader qui se met au côté du peuple - cette masse d´ignorants et d´imbéciles qu´il faut domestiquer et non éduquer - se déclare automatiquement ennemi des classes économiquement fortunées et politiquement dominantes. Or, à cette époque, M. Aristide n´était pas seulement porteur d´un discours charismatiquement populiste, il était surtout très populaire. Ce qui dérangeait les élites économiques et la classe politique tradionnaliste. Toute position populaire et populiste met en jeu les intérêts des classes bourgeoises et ceux de l´international qui veulent qu´Haiti reste toujours un pays pauvre pour mieux l´asservir. Donc, en 1990, pour ne pas froisser la volonté du peuple, les protagonistes responsables de la situation politique, sociale et économique du peuple ont laissé la chance à M. Aristide de parvenir à la magistrature suprême de la nation, car il était incontestablement le chouchou du peuple. Mais, dès le départ, il était d´ores et déjà pressenti d´être un poison pour eux. Par conséquent, élu en 1990, moins d´un an plus tard après son investiture, il est renversé par un violent coup d´État militaire orchestré par les États-Unis de connivence avec les élites économiques et politiques du pays dont les intérêts se sentaient vraiment menacés depuis l´accession de ce leader charismatique à la tête de l´État.
Nous pouvons insinuer que l´Aristide première version de 1990 a raté son premier mandat présidentiel parce qu´il a commis des excessivités sur le plan politique en se mettant au côté du peuple, disons mieux, parce qu´il était trop populaire et tenait un discours trop populiste dans l´intérêt du peuple. Il était qualifié de prétendu fervent défenseur du peuple par ses détracteurs. Comme ses prédecesseurs, intelligemment il ne s´était pas déclaré populiste, mais tout son discours, ses interventions médiatiques, ses prises de position l´étaient absolument, et cela ne laissait planer aucun doute: le peuple, sa pauvreté, sa misère et son chômage dont il souffre amèrement, la répartition inégale des richesses, l´injustice sociale - sujets à caractère populiste très sensibles et doués d´une extrême fragilité - sont la cause du combat qu´il compte mener, peut-on lire dans ses campagnes, interventions et discours politiques de 1989 à 1991. Dès que quelqu´un touche à ces dossiers sensibles et brûlants, il faut en même temps qu´il prépare son cercueil, soit prêt à se faire assassiner ou à partir précipitemment en exil dans le cas où il refuserait de jouer le jeu mafieux. Quel jeu? Tenir un discours pour le peuple et travailler dans les coulisses contre le peuple. C´est ainsi que se résume ce jeu. Cependant, rares sont les chefs populistes qui se réclament péremptoirement de l´être. Aristide n´était pas des moindres, mais il reconnaît avoir passé toute sa vie à lutter au côté du peuple, pour changer ses conditions de vie sociale et économique. Donc, le populisme, dans le sens positif du terme, est à la base de la chute du premier Aristide qui, étant jeune et fraîchement sorti du couvent, a commis des excès de langage, pas mal d´erreurs d´ordre stratégique en s´étant montré trop fougueux et ambitieux à la cause du peuple. Ce qui lui a valu même l´étiquette de démagogue de la part de ses potentiels opposants.

Le populisme est également à l´origine de la chute de l´Aristide seconde version de 2001, mais cette fois dans un autre sens. En effet, l´Aristide qui est revenu au peuple haitien en 1994, après avoir passé trois ans et demi en exil en séjournant dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis où il a passé la majeure partie de son temps, n´était plus le même, il est devenu complètement un autre personnage, il a été métamorphosé. Il n´est plus populiste? Non, bien au contraire il le devient davantage, ce qui va d´ailleurs entrainer son second exil. Alors, il a décidé de jouer la carte de l´international? Oui et non à la fois, car se croyant malin, il a décidé de jouer un double jeu: d´une part il manipule le peuple et le ridiculise, d´autre part il trompe et ment à ses patrons étrangers, mais il a fini par se faire prendre. Mais quel est cet Aristide qui est revenu en 1994, à qui son protégé M. Préval devait la gouvernance fictive de 1996 à 2001?

C´est un Aristide féroce, dont le cerveau, dirait-on, a été façonné, travaillé, retravaillé et ré-retravailé à la taille du projet de la communauté internationale. Il devient un lion, un cupide, un avare et accepte d´oublier le peuple même s´il faisait toujours semblant de le songer. Mais, en dépit de tout, comme il est un homme aimé du peuple, il ne lui est pas du tout facile de l´oublier définitivement, de ce fait, il se résout à jouer sur les deux terrains - ce qui est très dangéreux d´ailleurs et pour la démocratie et pour le populisme - en ce sens qu´il continuait d´induire le peuple en erreur par des paroles flatteuses en lui promettant monts et merveilles, mais tout en sachant pertinemment qu´il ne pourra pas tenir et les engagements pris devant le peuple et les promesses faites à Washington qui l´a ramené de force au bercail. Le populisme aristidien de 1991 était moins démagogique - même si on s´acharnait à le désigner comme tel - tant sur le plan idéologique que pratique que son populisme ancré à sa gouvernance de 2001 à 2004. C´était du populisme d´un accent démagogique pur qui se faisait et le peuple qui n´en pouvait plus, bien que manipulé, a précipité sa seconde chute. C´est Aristide lui-même qui a occasionné sa chute en n´arrêtant pas de passer en dérision et l´international et le peuple. D´ailleurs, son accession au pouvoir a été durement critiqué parce qu´il a gagné les élections de 2000 dans la fraude, rafflé tous les postes parlementaires, en faisant au peuple des promesses falacieuses, insipides et abstraites qu´il se sait d´ores et déjà irréalisables. De plus, se croyant trop populaire et même trop aimé du peuple, il s´exagère à créer son propre corps de milices paralèlle à la force policière, celui que le commun des mortels appelle très improprement ''les chimères'' qui deviendront des brebis sans berger et sans bergerie lorsqu´il était contraint, sous la pression et la menace de ce même international dont il n´a pas honoré les promesses, de s´exiler pour une seconde fois, le 29 février 2004 en Afrique du sud.
La première chute d´Aristide en 1991 était due, nous l´avons dit, à son attachement trop serré et étroit avec le peuple, un populisme à l´extrême dans le sens positif, alorsque la seconde en 2004 est la résultante de son détachement d´avec le peuple dont il ne peut pas satisfaire les besoins et du non respect de l´accord qu´il a eu avec ceux qui l´ont ramené manu militari au pays en 1991, lequel accord demeure, toutefois, une fiction, puisque personne n´en connaît le contenu si ce n´est M. Aristide lui-même. Néanmoins, en toute logique, il fort probable qu´une entente, soit tacite ou juridique, ait été trouvée entre lui et ses ravisseurs sinon son retour n´aurait pas été possible, car, comme Haiti est une savane, ce sont les mêmes puissances internationales qui l´ont enlevé de force en 1991 et en 2004, qui ont aussi décidé qu´il revienne au bercail en 1994 et en 2011, nous voulons parler donc des États-Unis, de la France, du Canada et de l´Union Européenne.
Deux mandats interrompus, inachevés et râtés à cause d´une tendance populiste dans un premier temps trop excessive, trop trompeuse et démagogique dans un second temps. Entre 1991 et 2004, il se jouait contre M. Aristide un triple jeu fatal: Un international qui réclame sa tête, une opposition et une élite économique qui le détestent, enfin, un peuple qui se divorce d´avec lui parce qu´insatisfait de sa politique et au sein duquel il ne trouve plus de refuge malgré son amour et son attachement à lui. Ce n´est pas qu´il soit devenu moins populaire, mais parce qu´il s´est métamorphosé en un populiste pratiquement couvert de honte.
Donc, le cas du populisme aristidien en Haiti est très particulier comparativement à celui dont on a qualifié Chavez en Amérique Latine, Poutine et Le Pen en Europe. Le populisme de ces derniers a produit de véritables révolutions sociales et économiques dans leur pays et ils ont pu, malgré l´opposition des élites oligarchiques, concilier les intérêts du peuple et ceux des classes dominantes, en créant des services sociaux de base pour que le peuple puisse se sentir quand bien même satisfait, bien que jusque là la lutte pour un mieux être soit loin de terminer tant au Vénezuela, qu´en Russie et en France. Pris entre l´enclume et le marteau de 2001 à 2004, Aristide affaibli a préféré céder à un populisme propagantiste en appelant ses partisans à la violence, car, depuis 1991, le discours populiste de M. Aristide prônait la haine de la bourgeoisie mercantiliste et prédatrice haitienne. Peut-être la stratégie mutiste de M. Préval, son compère, avec qui il a censé rompre toute relation amicale ou politique lors de son départ pour le second exil en 2004, aurait-il pu lui porter chance. Depuis son retour en 2011, les relations entre les deux hommes, amis d´antan, ne se sont pas rétablies.

Enfin de compte, le populisme aristidien a été catastrophique et décevant pour le pays, car le peuple y croyait trop. Au lieu d´un avancement ou d´un progrès, il a contribué de préférence à enterrer l´espoir de chaque haitien de voir sa condition sociale améliorer, il a créé plus de pauvreté, plus de misère et plus d´inégalité sociale, ainsi le pays a eu deux décennies d´immobilisation tant sur le plan social qu´économique. L´une des principales conséquences du populisme aristidien est d´avoir inculqué à l´esprit des plus pauvres que ce sont les riches, les gens fortunés et les bourgeois qui sont la cause de leur situation de pauvreté. Ce discours a créé plus d´animosité et de haine au sein de la société et a contribué grandement à la construction d´une société de plus en plus inégalitaire et injuste. De son retour à aujourd´hui, M. Aristide, l´amant de la presse, la super star qui aime se faire voir s´est clos à la Presse qui ne sait à quel saint se vouer pour arracher de sa bouche un simple ''Frèm sèm''. Il a finalement, soit consciemment ou inconsciemment; soit volontairement ou involontairement, choisi la stratégie mutiste dont M. Préval s´est fait le champion. Il se renferme, comme M. Préval, dans son domicile à Tabarre où il s´adonne à l´éducation. Certains disent que ce mutisme n´est pas volontaire, car, avant son second retour, qui a été le fruit d´une longue et ardue négociation entre lui et ceux qui l´ont contraint à la démission en 2004, se taire et ne pas se mêler de la politique a été, à en croire, l´une des principales conditions imposées pour que ce retour ait lieu. Mais, peu importe la ou les raisons d´un tel mutisme, que nous évitons de discuter ici, il paraît qu´une fois de plus le mutisme de M. Préval se justifie et soit considéré comme l´une des meilleures stratégies politiques à adopter pour gouverner en Haiti. Car, en se taisant depuis trois ans et demi, M. Aristide évite de se créer des ennuis à lui-même et autour de lui, surtout avec la justice internationale, même si, la justice haitienne, par certaines manoeuvres politiciennes, a tenté, par le biais de l´honorable juge Lamard Bélizaire, de lui causer quelques ennuis en décernant contre lui un mandat d´amener, lequel mandat n´a, jusqu´à cette présente minute, jamais été exécuté. C´est la preuve flagrante qu´il s´agissait non d´une activité judiciaire mais politique dans le but, peut-être, de forcer M. Aristide à sortir de son mutisme.
C´est la nature d´une part, l´essence de ce mutisme, de l´autre, qu´il convient de découvrir maintenant dans la seconde partie avec pour figure de proue le président Préval qui, paradoxalement, est un président ayant, lui aussi, une double facette politique.

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[1] Cet article est publié tant en bloc qu´en partie séparée.

RÉFÉRENCES

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Rubrique: Divers
Auteur: FABIEN JEAN | jeandefabien1982@yahoo.fr
Date: 4 Juin 2016
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