De la nécessité d’un conservatoire à son implantation dans la vie communautairede Ronald Estrade| JobPaw.com

De la nécessité d’un conservatoire à son implantation dans la vie communautaire


Un conservatoire des formations techniques et professionnelles est nécessaire pour conserver les traditions haïtiennes par des techniques industrielles modernes, faciliter la création de micro-entreprises dédiées, faciliter l’intégration des jeunes diplômés, unifier les contenus des formations et surtout perfectionner l’industrie nationale.
Dans le cadre de ma fonction enseignante, il m’arrive d’avoir des moments privilégiés pour travailler dans des dossiers de nature personnelle. Comme je suis souvent préoccupé par la réalité de mon pays natal, il m’arrive de penser à ce que je pourrais faire pour améliorer la situation. Durant le début de l’année 2012, je pensais à la création d’une institution pour exploiter les technologies industrielles en vue de faciliter le marché de l’emploi haïtien. Mais comme je ne suis pas sur place, une telle entreprise aurait de la difficulté à voir le jour. J’étais donc à la recherche d’une idée pour innover mes interventions mais qui puisse prendre en considération ma réalité socioprofessionnelle de membre de la diaspora haïtienne.

Durant la première semaine du mois de mars 2012, j’étais à Port-de-Paix pour animer un des ateliers d’Haïti–Éduc’2012 [1]. Durant la conclusion de la Conférence, le 10 mars 2012, ma fibre patriotique a beaucoup vibré en entendant que Grahn-monde [2] (points d’action no 7) s’engageait pour la création prochaine d’un «Conservatoire des formations techniques, professionnelles et universitaires» avant la mise en place de la deuxième édition d’Haïti-Éduc’2014. Habituellement, un conservatoire est défini comme un établissement destiné à conserver des traditions, des collections et où l’on enseigne habituellement les disciplines musicales, la danse, l’art dramatique [3]. Comme j’évolue au sein de la formation professionnelle et technique depuis de nombreuses années, je conçois ces derniers beaucoup plus que l’exercice d’une activité humaine mais comme un art où la passion à toute sa place. La partie qui m’interpelait le plus était la conservation des traditions haïtiennes par des techniques industrielles modernes.

De retour dans la région métropolitaine de Montréal, je me suis dit que c’était un défi à ma mesure. Je pourrai y contribuer en diffusant régulièrement des articles pour promouvoir la culture scientifique comme cela se fait au CNAM [4], un établissement d’enseignement supérieur et de recherche établi à Paris depuis le 10 octobre 1794 pour perfectionner l’industrie nationale française [5]. C’est pourquoi, suite à ma nomination, je me suis engagé comme responsable et j’essais de constituer une équipe de bénévoles pluridisciplinaires pour faciliter la création d’un Conservatoire des Formations Techniques et Professionnelles (CFTP).

D’entrée de jeu, je me suis constitué un plan de travail qui parle de la genèse du projet, les objectifs visés, des membres potentiels (que j’ai personnellement invité), l’historique des démarches encourues [comité du Système Éducatif Haïtien (SEH), comité de programmes au sein du Grahn jusqu’aux institutions invitées comme l’INFP, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat d’Haïti etc.] et j’ai fait des présentations à différents intervenants. Mais je ne sentais pas de mes interlocuteurs la même énergie qui m’animait lors de la conférence de mars 2012. Dernièrement, lors d’un compte rendu des activités du comité du SEH en général, le 29 août 2013, j’ai compris la nécessité d’enlever la composante universitaire suite à la création de l’ISTEAH [6] et de m’engager différemment pour le renforcement de l’équipe. J’ai réalisé qu’il me faut mobiliser les ressources humaines disponibles pour une grande cause d’où la rédaction de cet article.

De ma jeunesse à aujourd’hui, l’offre des produits d’origine haïtienne a si grandement diminué qu’il me semble que la société haïtienne dans son ensemble, risque de perdre une partie de son identité. Les membres de la diaspora qui retournent au pays annuellement peuvent constater les changements. Par exemple trouver un Aksan local (boisson à base de farine de mais fait à la main) dans les dépanneurs ou les petits commerces du quartier relève du délire. La cassave (galette de farine de manioc ajouté de noix de coco) est de nos jours importé. Nous importons même des citrons de la République Dominicaine alors que nous vivons sur la même île. Si cela continue, nous allons perdre le savoir faire haïtien et être livré sans remords pour une colonisation économique alors que les politiciens discutent de la politique partisane. Quand nous conservons certaines expertises, les conditions de fabrications sont carrément antihygiéniques. Il suffit de visiter un atelier de fabrication de Dous Makos à Petit-Goâve (sucrerie à base de lait) pour constater la dure réalité. Nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes mais nous avons la capacité d’améliorer la situation.

Le conservatoire des formations techniques et professionnelles doit prioritairement préserver les traditions ancestrales haïtiennes par des techniques industrielles modernes, faciliter l’intégration des jeunes diplômés, unifier les contenus des formations et surtout perfectionner l’industrie nationale. Ce mandat global doit être supporté par des projets porteurs en vue de son implantation sur le sol national. Ce sont entre autre :
1) Des projets pilote de mini-usine de production;
2) Des micro-entreprises dédiées avec un micro financement adéquat;
3) Des olympiades de la formation professionnelle et technique;
4) Des stratégies pour promouvoir l’alternance travail-études (ATE);
5) Des échanges locaux et internationaux (avec des établissements d’enseignement et des entreprises spécialisées) au sein des formations professionnelles et techniques;
6) Des stratégies pour faciliter l’élaboration des moyens d’enseignement;
7) Etc.

Il est triste de constater année après année, le gaspillage dans les saisons de récolte et la disette dans les périodes de sécheresse alors que nous avons en Haïti une population jeune [7] et en santé. L’enquête des Nations Unies disait que « la moitié de la population du pays a moins de 20 ans et 40% ont moins de 15 ans » donc on doit les occuper. Les projets pilotes peuvent renforcer le marché du travail par les sciences industrielles, l’entreprenariat et l’amélioration de l’environnement. En pratiquant une pédagogie alternative d’approche par projets, nous pouvons accueillir la participation de plusieurs intervenants pour la conception de mini-cellules de production salubre.

Comme le conservatoire entend préserver l’autonomie de chaque établissement (éviter la méfiance habituelle et faciliter l’évaluation organisationnelle interne), nous pouvons avoir sur la même table des intervenants venant de divers établissements concurrents et faire progresser le milieu de la formation professionnelle et technique. Pour faciliter la collaboration, tous les rencontres se feront après les heures de travail journalier ou les samedis via Skype (implication des haïtiens du dedans et du dehors). En tant que membre de l’équipe du sous-comité de la création du CFTP, nous voulons implanter quand c’est nécessaire des formations ouvertes à distances avec une plateforme d’enseignement web. Nous voulons faciliter la validation des acquis (expériences professionnelles au marché du travail), faciliter la formation continue et renforcer la culture scientifique et technique.

Comme notre équipe est encore jeune, nous les membres n’avons pas encore identifié les ressources financières pour la réalisation du projet en entier. Néanmoins, nous voulons débuter par l’implantation d’un site web dédié, l’identification des partenaires du milieu, l’identification des projets pilote de mini-usine de production qui est prioritaires. D’une manière générale le secteur des denrées alimentaire, celui des produits sanitaires nous semblent digne d’intérêt dans la mesure où l’on peut créer avec un minimum de bonne volonté des ateliers pour les entreprises familiales, individuelles et les transformer à l’avenir en des manufactures de tailles moyennes avec des lignes d’assemblage spécialisées. Nous vous prions de contribuer à la réalisation du projet. De cette manière, nos efforts contribueront à jeter certaines bases pour le développement économique durable de notre cher pays.

Bibliographie
[1] Semaine de relâche pas comme les autres : https://www.jobpaw.com/private/detailsarticle.php?idarticle=398

[2] Haïti-Éduc'2012: Communiqué final : http://www.haiti-grahn.net/public/?actu=207

[3] Petit Larousse Illustré 2009 p. 239

[4] Le Corbeiller, P. (1931). Les systèmes autoentretenus et les oscillations de relaxation: conférence faites au Conservatoire National des Arts et Métiers les 6 et 7 mai 1931. Hermann.

[5] Conservatoire National des Arts et Métiers : http://www.cnam.fr/

[6] Institut des sciences, des technologies et des études avancées d'Haïti :
http://www.isteah.edu.ht/

[7] Nations Unies (2000). Haïti, Bilan commun de pays. Port-au-Prince: Bibliothèque Nationale d’Haïti.


Rubrique: Economie
Auteur: Ronald Estrade | restrade@hotmail.com
Date: 16 Sept 2013
Liste complète des mémoires et travaux de recherche