La préventionde GUY THIBAUD| JobPaw.com

La prévention


Dans cet article, je traite le dilemme de la prévention, les obstacles à la prévention, les valeurs sous-jacentes, les intérêts des parties prenantes, la place de la santé publique, la complexité de cette problématique et les acteurs impliqués.
I. Introduction (Guy THIBAUD, THIG 17097405, novembre 28, 2012)
La prévention est un concept qui couvre de plus en plus une diversité indénombrable de problématiques. La déformation développementale et d’adaptation sociale des enfants et des jeunes; les maladies évitables par l’immunisation; le VIH-SIDA et les maladies sexuellement transmissibles; le dépistage du cancer du sein; le tabagisme; les traumatismes non intentionnels et les traumatismes intentionnels (la violence envers les personnes, le suicide); l’alcoolisme et les toxicomanies); la dégradation de l’environnement et de gaz à effet de serre. Face à cet état de fait, la population lutte pour mettre frein à cette situation indésirable, et les gouvernements de leur côté se voient obliger d’élaborer des politiques ou programmes visant à palier ou corriger les conséquences des méfaits dont pour certaines nous sommes dûment responsables, et pour certaines d’autres nous sommes impuissants. Autrement dit, de nos jours nous entendons parler de toute sorte ou de modèles de prévention visant à enrayer une panoplie ou une diversité de problématiques catastrophiques comme par exemple : prévention des risques et désastres, de multiples accidents, des maladies chroniques, des maladies contagieuses et de comportements, des mauvaises habitudes de vie et de consommation, de maltraitance, de grossesse précoce, de délinquance, de troubles psychiatriques, de personnalité, de pollution, de la fuite des espèces, de l’érosion, de la dégradation de notre écosystème. Malgré l’immensité de la problématique que couvre la prévention, pour certaines personnes elle est considérée comme un mécanisme de contrôle adopté par l’État pour s’immiscer dans la vie privée des individus. Dans cette étude, nous ne comptons pas traiter une problématique spécifique en lien avec la prévention, mais plutôt de dégager la dimension éthique de ce dilemme : nous devons faire la prévention ou nous ne devons pas faire la prévention. Nous avons divisé cette étude en quatre parties : description de la situation, prendre la décision morale par la résolution rationnelle du conflit de valeurs de situation, établir un dialogue réel avec les personnes impliquées et la conclusion.
II. Description de la situation
2.1 Cadre théorique et conceptuel de la prévention
Selon KASS (2001) :
«La finalité de la santé publique est la protection des populations contre les maladies et la promotion de la santé. Ainsi, une intervention de la santé publique ne sera éthique que si elle contribue, de façon efficace, à l’amélioration de l’état de santé ainsi qu’à la réduction de la mortalité et de la morbidité des populations visées» (MASSE, 2003, p. 115).
Dans cette perspective, l’État a un devoir moral envers sa population de la prévenir de tout ce qui peut compromettre sa santé. Ainsi, une personne qui ne prend pas le soin de soi, qui ne respecte pas les valeurs que prônent la santé publique ou les prescrits du personnel de la santé, et qui n’accepte pas de changer ses habitudes de vie peut être non seulement considérée comme étant immorale ou non vertu, mais aussi une personne qui vit en marge des normes, des valeurs, des techniques ou méthodes à adopter pour être en bonne santé.
Selon Ziegler, F. (2005), le concept de la prévention est complexe à définir et difficile à mettre en œuvre. Cela requiert des ressources humaines compétentes, des moyens financiers suffisants, de la coordination, de consensus entre les acteurs, de la sensibilisation, de l’implication et de la mobilisation permanente de différents acteurs des communautés nationale et internationale. Et ce, compte tenu de la complexité, de l’ampleur et de la gravité de la problématique ou les causes en question, et de la différenciation de la population cible et des mesures à entreprendre pour agir en conséquence, la raison d’être de la prévention semblerait susciter de nos jours des débats éthiques.
Selon Stark (1989), la prévention possède le pouvoir magique de soulager des souffrances individuelles, des charges familiales et sociales, mais aussi d’épargner ou d’alléger la charge budgétaire de l’État. Elle est utilisée comme une sorte de panacée à nos maux et malheurs. Cependant, lorsqu’il s’agit de mettre en pratique les mesures préventives, les obstacles socio-politiques et économiques à surmonter sont tellement immenses, la prévention est toujours dans l’impasse à atteindre sa visée compte tenu des intérêts de certains groupes sociaux et des politiciens en quête des butins de la part des hommes industrielles et des exploiteurs des ressources minières et de l’espace aérien (Ziegler F. 2005).
Selon Docteur Ziegler (2005), il y a trois strates ou modèles de prévention : primaire, secondaire et tertiaire. Ces trois stades de prévention sont tirés de l’œuvre du docteur G. Caplan (1964) dans son livre de « Principles of Preventive Psychiatry». Ce dernier a définit la prévention primaire comme des mesures visant à intervenir en amont pour empêcher l’apparition de troubles et de problèmes. La prévention secondaire est définie comme intervention qui vise à réduire ou enrayer à la plus simple expression les troubles et les problèmes auxquels nous sommes déjà exposés en les décelant et les traitant aussi tôt que possible et ou en écourtant au maximum leur durée de traitement. Par contre, la prévention tertiaire tend plutôt à empêcher et ou à réduire les phénomènes d’accompagnement et les conséquences des troubles et des problèmes manifestes (Ziegler, F. 2005). Autrement dit, la prévention primaire veut empêcher plutôt l’apparition, la prévention secondaire veut enrayer le développement et celle tertiaire tend à anticiper les conséquences subséquentes susceptibles d’être apparus à cause de ce problème.
Selon Schrottman (1990), la prévention primaire est toute mesure visant à réduire l’incidence de nouveaux troubles et handicaps psychiques dans une population. Elle se concentre sur le changement de l’environnement et le renforcement des capacités de l’individu à gérer la situation. Par prévention primaire, selon G. Caplan (1997), il faut comprendre l’évitement de problèmes de comportement ou le risque encouru par la réduction des charges dues à l’environnement et/ou la transmission de capacités pour affronter et gérer des situations de vie concrètes. Selon Sommer (1977), faire la prévention primaire signifie réduire l’incidence de troubles psychiques en réduisant le stress et en favorisant les conditions qui augmentent les compétences et capacités de gestion (Ziegler, F. 2005).
Selon T. Panel (1984), la prévention primaire consiste à intervenir en amont et ce dans la globalité sur les facteurs environnementaux et socioéconomiques qui sont des facteurs conditionnels à risque auxquels est exposé l’ensemble de la population d’une région ou d’un pays, mais surtout les classes moyennes et les individus les plus pauvres; en leur transmettant des compétences adéquates leur permettant de changer et d’améliorer leurs conditions socioéconomique de la santé et leurs habitudes de vie et de consommation (Zigler, F. 2005).
Selon les points de vue de Jantzen (1981),
«la prévention regroupe des activités visant à réduire les configurations néfastes d’événements bio-socio-physiques et à favoriser des configurations propices dans toute population/personne à risque ou potentiellement à risque, qui fonctionne actuellement de manière adéquate, par l’utilisation de théories, de stratégies et de techniques totalement différentes, praticables, éthiques et dont l’efficacité est garantie par une évolution continue» ( Zigler, F. 2005, p.17).
Par contre, selon Bloom (1981), Hurrelmann trouve que c’est plus simple de parler d’interventions correctives, curatives et de soutien au lieu de prévention secondaire, et de parler d’interventions compensatoires et de réhabilitation plutôt que de prévention tertiaire. En fait, qu’il s’agit de formes d’intervention qualitatives différentes,
«toute prévention doit servir à développer et à promouvoir les compétences personnelles et sociales des individus, à changer les systèmes sociaux de sorte qu’ils tiennent davantage compte des besoins individuels» (Ziegler, F. 2005, p. 17).
Selon Adam (1981), la prévention ne s’étend pas uniquement sur les déficits d’individus ou de groupes, mais se concentre, selon Abelmann (1991), sur le renforcement et la promotion des ressources dont les individus ont besoin ou ont en eux pour faire face ou contrer des conditions de vie périlleuses, et les maîtriser. Autrement dit, la prévention cible non seulement les facteurs de risque en renforçant les facteurs de protection, mais aussi le cadre structurel qui soit l’élément générateur de la situation soit les conditions favorables de la stabilité de la problématique en cause (Ziegler, F. 2005).
2.2 Formulation du dilemme, résumé de la prise de décision spontanée, analyse de la situation des parties; énumération des lois, des normes et de réglementation, clarification des valeurs conflictuelles de la situation
À partir de nos revues de la littérature, il nous incombe de formuler le dilemme de la problématique de la prévention ainsi : « nous devons faire la prévention ou nous ne devons pas faire la prévention».
Considérant les risques, les épidémies et les catastrophes naturels auxquels nous sommes exposés par la dégradation de l’environnement; considérant la gravité des maladies chroniques, des maladies intentionnelles et non intentionnelles, des maladies de comportement que nous attrapons par la relation sexuelle; considérant l’ampleur des personnes aux prises avec des troubles mentaux et de comportements; considérant la gravité des accidents de toute de sorte auxquels nous en courons au travail, en voyage et autres. Face à ce dilemme ci-dessus, notre position est pour la prévention sur toute l’allure.
Nous optons ainsi pour une prévention qui porte sur l’environnement physique de l’espace où vit la population cible, les déterminants socioéconomiques et politiques de la santé, les systèmes de soin et les habitudes de vie et de consommation. Pour ce faire, la politique de la prévention doit d’abord cibler les acteurs impliqués dans la création des risques et désastres nucléaires, les hommes industrielles, les exploiteurs des mines et les fabricants des produits toxiques, des produits énergétiques, plus globalement les exploiteurs des ressources de notre écosystème; ensuite, les dirigeants de l’appareil de l’État, les hommes politiques, la justice, les professionnels de la santé et des services sociaux, les ordres professionnels et les syndicats, les étudiants, les professeurs et enseignants ou les intellectuels, les organismes communautaires, les organismes de défense des droits humaines, de l’environnement et la population (VALENTINI et al 1997-2007).
Tous les acteurs cités ci-dessus n’ont pas vraiment les mêmes préoccupations de la prévention. Pour les exploiteurs des ressources naturelles, les hommes industriels ou les fabricants des produits énergisants et des objets manufacturiers la prévention est restreinte aux accidents de travail, produits de mauvaises qualités et des déficits économiques; la prévention dont réclame les professionnels de la santé va au-delà de la prévention de la perception de la prévention des manufacturiers, mais une prévention qui atteint le sommet ultime de la sécurité de notre espace planétaire avec tout ce qu’il renferme, par exemple la vie de la population ou le bien-être des individus d’une communauté. Autrement dit, pour la population, les professionnels de la santé, les organismes communautaires et les organismes qui travaillent à la protection de l’environnement, la prévention est plutôt vue comme une idéale de la réduction des facteurs de risque et le renforcement des facteurs de protection contre tout ce qui peut compromettre la vie.
2.3 Les lois, les normes et les réglementations formelles et non formelles de la prévention
Par exemple, au Québec, l’intervention de santé publique est régie par quatre Lois : la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la Loi sur la protection de la santé publique, la Loi sur la santé et la sécurité au travail et la Loi sur la qualité de l’environnement (VALENTINI, 1997-2002, p. 14).
À l’école, à l’église et dans notre environnement familial, nous sommes tous éduqués à prendre soin de nous, à prévenir les maladies contagieuse et non contagieuses, à protéger notre espace environnemental et de vie, à contrôler notre comportement à risque ou à adopter de saines habitudes de vie afin de prévenir des maladies et d’impliquer dans des accidents. Nous ne sommes pas sans savoir à reconnaître que la violence sur les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes aux prises avec un handicap est interdite.
Quand c’est la a santé publique qui nous dicte comment nous devons prendre soin de nous, elle peut être vue ou interprétée par certaines personnes comme une entreprise qui cherche à normaliser le comportement humain, à transmettre à la population ses propres valeurs, son mode de vie, un autre salut, un guide de comportement objectif, un salut calculé à l’aune de la rationalité de la modernité, une autre façon de se comporter, de manger, de s’habiller, de prendre soin de soi et de vivre (MASSE, 2003). Pour certaines personnes de la population, la vertu que prône la santé publique serait une démarche qu’entreprend l`État pour se déresponsabiliser afin de responsabiliser plutôt la population. Seules les approches adoptées par la santé publique pour faire la prévention peuvent nous dévoiler les intentions camouflées de toutes les mesures prises par l’État pour prévenir la population des maladies infectieuses, des troubles de comportement, des maladies intentionnelles et non intentionnelles, des maladies de comportement et chroniques.
III. Prendre la décision morale par la résolution rationnelle du conflit de valeurs de situation
3.2 Identification de la valeur qui a préséance dans la situation, formuler les principaux arguments qui explicitent pourquoi cette valeur est jugée prioritaire dans la situation, préciser les modalités de l’action compte tenu de l’ordre de priorité dans les valeurs, réflexion critique sur la prise de décision
Selon MASSE (2003), les principes classiques de la prévention et de la promotion de la santé sont : le principe du respect de l’autonomie de la personne, le principe de l’appropriation du pouvoir, la justice sociale et distributive, la bienfaisance et la non-malfaisance, l’utilité, la responsabilité paternaliste. Et les valeurs phares associées à ces principes sont successivement : l’auto-détermination de la personne, le respect de la vie privée et la confidentialité; le respect de la vie en santé, la non-malfaisance et la pratique de faire le bien; la justice et la responsabilité; l’utilité et le bien commun; et la solidarité, la responsabilité paternaliste et la précaution. Les théories subséquentes consécutivement sont : le droit, la déontologie, la justice, l’utilitarisme et la vertu. Et ce, certaines approches comme l’approche populationnelle, la réduction des méfaits et l’abstinence totale sur lesquels s’assoit la santé publique risquent de nous porter à sacrifier certaines valeurs au profit des autres soit plus rationnelles, humaines, universelle, discriminatoires mais positives.
La santé publique comme le mandataire de la promotion de la santé et la prévention des maladies constitue l’un des derniers bastions de défense des droits collectifs et des biens communs aux dépens des intérêts individuels dans nos sociétés modernes (MASSE, 2003). Selon cette perspective, les agents de la prévention de la santé doivent agir en faveur des bénéfices des groupes, des communautés, des collectives ou de la population en générale avant d’être prioritairement celui de l’individu. La valeur sur laquelle la santé publique impose la prévention devrait être humainement universelle et basée sur la discrimination positive.
Les interventions en prévention de la santé doivent en ce sens répondre aux attentes de la population et tous les individus indistinctement. Le bien au nom duquel sont justifiées les interventions doit, dans une certaine mesure, ne pas être recherché avec une insistance qui dépasse les attentes de la population concernée. C’est-à-dire la santé publique ne doit pas forcer ou contraindre la population à se soumettre à un traitement sous quel que soit la forme. Elle doit faire preuve du respect de l’autonomie de la population (MASSE, 2003)
BEAUCHAMP et CHILDRESS ont défini le principe de bienfaisance sous forme d’une équation :
X a une obligation ferme de bienfaisance à l’endroit de Y si, et seulement si chacune des conditions suivantes est satisfaisante et que Y est conscient des faits qui suivent : Y risque une perte ou un dommage important, l’agir de X est nécessaire pour prévenir la perte; il y a une haute probabilité que l’agir de X peut la prévenir; l’agir de X ne présente pas des risques ou fardeaux significatifs pour ce dernier; et le bénéfice qu’Y en tirera dépasse tout mal, coût ou fardeau que X aura apporter (MASSE, 2003, p. 119).
Autrement dit, selon LAFAYE (2006), les interventions de prévention de la santé publique doivent tenir compte de certains critères fondamentaux. L’efficacité des moyens, c’est-à-dire parmi des options de méthode de prévention, la santé publique doit choisir la méthode la plus efficace, la plus humaine, la plus respectueuse, la plus conciliante et la plus efficiente. Le principe de la plus forte vraisemblance et le principe du choix rationnel, peuvent être désignés comme principes qui tendent à valoriser un projet à court terme qui permet d’atteindre plusieurs objectifs que celui de l’autre si on l’avait choit.
Selon MASSÉ (2003), les valeurs qui sous-tendent à la bienfaisance sont celles de l’empathie, de la compassion, du souci de l’autre, de la discrimination positive, de la justice sociale. La justification d’une intervention visant de la prévention d’une épidémie impliquerait une compassion bienveillante et une solitude minimale face à la souffrance des personnes exposées. Mais c’est plutôt au nom du principe de bienfaisance que l’on justifiera des interventions qui empiètent sur l’autonomie de certains sous-groupes d’individus. C’est en vertu de la bienfaisance que la santé publique impose son paternalisme de bonnes habitudes de vie défini par SVENSSON et SANDLUND comme une interférence dans la liberté d’action d’une personne justifiée par des raisons référant exclusivement au bien-être, au bonheur, aux intérêts ou aux valeurs d’une personne contrainte. Le principe de bienfaisance, donc, ne sous-entend aucune théorie de justice sociale : le bien de tous a une valeur équivalente, sans discrimination (même positive) (MASSÉ, 2003).
Pour TAYLOR (1998), la bienfaisance prend plutôt la forme d’une bienveillance pratique qui, depuis BACON, subordonne les développements de la science à l’allégement de la condition de vie de l’homme dans la cité et les met au service d’une charité pratique, c’est-au-dire aux besoins des personnes les plus démunis. Une bienveillance pratique qui trouve ses racines dans l’apologie de la vie ordinaire, le refus des impératifs imposés par les biens supérieurs et des conceptions de la liberté, orientée vers soi-même. Elle prend la forme d’une sorte de devoir que nous avons envers nous-mêmes, requise en quelque sorte par notre dignité de la modernité rationnelle émancipée (MASSÉ, 2003).

IV. Établir un dialogue réel avec les personnes impliquées
4.2 Formulation et présentation d’une argumentation complète permettant de justifier sa position (arguments basée sur l’utilité, sur la justice et la nature humaine)
Pour argumenter établir le dialogue en vue de la libération de ce dilemme en faveur de l’acceptation de la prévention intégrale, nous comptons analyser certaines approches qui ont des points de vue d’intervention différentes les unes des autres en matière de la prévention.
Selon l’approche utilitariste, la prévention de la santé publique doit viser la diminution des facteurs de risque en maximisant les facteurs de protection de la population concernée. Cependant, la santé publique n’a nul droit d’imposer à la population sa propre valeur ou son propre mode de vie. C’est-à-dire, selon ce principe c’est une aberration de demander à une population de changer son mode vie ou ses habitudes de vie. Et ce, selon ce principe, la santé publique doit respecter le droit individuel de la personne de se protéger lui-même ou pas. Personne ne peut contraindre une autre personne à prendre un vaccin ou à se soumettre à un traitement. Autrement dit, le pouvoir de la santé publique est limité en matière de la prévention, ou elle ne peut que limiter les conséquences d’une épidémie, d’une maladie ou d’une catastrophe. En outre, pour que la santé publique puisse intervenir il faut que les risques soient certifiés (MASSÉ, 2003).
Selon la théorie de la justice sociale de RAWLS (1921-2002) la prévention est acceptable dans la mesure où elle vise le plus grand bénéfice aux membres de la population les plus désavantagés. Or les sujets qui sont plus souvent victimes des catastrophes, des maladies de comportement, de l’intoxication, des accidents et des épidémies sont surtout les catégories des personnes défavorisées de la population. Et que la non-intervention de l’État pour combattre les épidémies auxquels sont exposées ces couches de la population est injuste, non-sens, et jugée irresponsable de la part de la santé publique ou de l’État. Selon ce principe sur lequel est basée notre décision pour la prévention intégrale des maladies, des risques d’accidents et de catastrophes, l’État doit élaborer des lois pour protéger l’ensemble de la population, plus particulièrement les plus à risque contre la menace de gaz à effet de serre, le réchauffement climatique et les maladies chroniques ou de comportement. L’État doit intervenir pour diminuer l’inégalité sociale et économique, pour faciliter l’accès de soins et de services à la population plus défavorisée en la fournissant de moyens et de ressources adéquates pour se prévenir contre les troubles de comportements et toute sortie de maladie (LAFAYETTE, 2006 et MASSÉ, 2003).
Selon MASSÉ(2003), les interventions de la santé publique sont justifiées en fonction de la notion humaniste de respect de la vie qui se réfère à une éthique du bien-être postmoderne. Pour BUCHANAN, le fondement éthique de la santé publique est justement la promotion du bien-être qu’il définit en termes d’intégrité, soit de vivre sa propre vie en accord avec les valeurs qui comptent. La santé publique est aussi une entreprise d’amélioration et de promotion de la qualité de la vie. Le concept de qualité de la vie rompt donc avec le dogme du respect absolu de la vie en nuançant celui-ci à partir de considérations médicales, psychologiques, sociales, familiales, voire même économiques.
Le principe de la qualité de vie repose sur les valeurs intermédiaires, telles que la santé, le bien-être, le confort, la qualité de vie. Il occupe une place centrale dans la moralité commune populaire; au point où ces valeurs phares tendent à primer sur les valeurs fondamentales et sur les biens communs des sociétés modernes occidentales (MASSÉ, 2003).
La dernière approche sur laquelle notre position de la prévention intégrale est justifiée est celle populationnelle. Elle est fondée sur la conviction que la santé est une richesse collective qu’il faut maintenir et développer. Elle prend en compte les nombreux facteurs individuels, environnementaux qui influencent la santé d’un individu et les déterminants socioéconomiques de la santé d’une population, en cherchant à réduire les inégalités sociales qui constituent une autre barrière en matière de bien-être et de la santé d’une population. Cette approche est différente de l’utilitarisme mais plus proche de la justice sociale. Parce que son objectif est d’assurer un état de santé maximal chez la population d’un territoire, compte tenu des ressources disponibles, elle vise à coordonner l’offre de services en fonction d’une population donnée plutôt qu’en fonction des individus qui consomment les services. Enfin, elle suppose que les autorités régionales et locales ont une responsabilité vis-à-vis la santé des individus de leur territoire, particulièrement en ce qui a trait à l’accessibilité aux services appropriés et à l’efficacité des interventions et des actions dans les milieux de vie (AGENCE DE DÉVELOPPEMENT DE RÉSEAUX LOCAUX, 2004, p. 4).
V. Conclusion
Tout compte fait, il existe des risques et des maladies inhérentes à la vie sociale de tous les jours, des expositions à des environnements toxiques, malsains et dangereux et que l’individu ne peut être tenu seul responsable des risques auxquels il est exposé. Le citoyen a donc un droit à la réparation qui peut prendre la forme d’une prise en charge collective par la population, l’accès plus ou moins universels à de soin de services de santé et sociaux. Il est donc un devoir à l’État de prévenir la population de tous les risques et maladies qu’il est capable de contrôler ou d’anticiper leurs conséquences sur sa population. Ce droit à la prise en charge sociale des conséquences économiques de la maladie découlant de cette socialisation des risques, s’accompagnera toutefois, pour l’individu et pour l’État, d’une contrepartie obligée qui est un devoir de protection contre les facteurs pathogènes et un devoir de gestion des comportements à risques. D’où la racine historique de l’éthique de la responsabilité populationnelle qui légitime les interventions de prévention contemporaines des agents de la santé publique auprès des populations.
Bibliographie
AGENCE DE DÉVELOPPEMENT DE RÉSEAUX LOCAUX. L’approche populationnelle : une nouvelle façon de voir et d’agir en santé. Trousse d’information, novembre 2004.
http://csssstleonardstmichel.qc.ca/fileadmin/csss_slsm/Menu_corporatif/Publications/approche.pdf. Consulté le 26 novembre 2012.
LAFAYE Guibet, Caroline. Justice sociale et éthique individuelle. © Les Presses de l’Université, 2006.
Loi canadienne sur la santé (L.R., 1985, ch. C-6) (mis à jour 2011) En ligne :[http://www.laws.justice.gc.ca]. consulté le 26 novembre 2012.
Loi sur la santé publique (mis à jour février 2011) En ligne :[ http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/S_2_2/S2_2.html]. Consulté le 26 novembre 2012.
MASSÉ, Raymond. Éthique et santé publique : Enjeux, valeurs et normativité. © Les Presses de l’Université Laval, 2003.
VALENTINI, H. et al. Priorité nationale de santé publique. 1997-2002, 92 pages, consultés le 20 novembre 20012. Site : (http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/1996/96_203.pdf)

ZIEGER, Franz et al. OFFICE FÉDÉRAL DES ASSURANCES SOCIALES : Violence envers les enfants concept pour une prévention globale. Septembre, 2005, 151 pages, consulté 12 décembre, 2012.
(www.bsv.admin.ch/themen/kinder_jugend.../index.html?...fr...)



Rubrique: Divers
Auteur: GUY THIBAUD | t_guy003@yahoo.fr
Date: 28 Nov 2012
Liste complète des mémoires et travaux de recherche