La désolation et le mal socio-politique en haitide Phanel Xavier| JobPaw.com

La désolation et le mal socio-politique en haiti


Ma dernière visite en haiti m'a fait réaliser combien la crise institutionnelle est grave, ce qui a inspiré ma réflexion sur la désolation en haiti en référence à la thématique du philosophe politique allemand Hannah Arendt selon laquelle
« La désolation est une expérience radicale de non-appartenance au monde qui va à l’encontre des exigences fondamentales de la condition politique de l’homme »

J'aimerais partager avec vous et à toux ceux qui s'inquiètent de l'avenir d'une Haiti chérie en paroles et trahie en actions, mon article "La désolation et le mal socio-politique en haiti " que vous pourriez litre sur mon site: http://www.haitigrandanse.com/HaitiDesolation.aspx

La désolation et le mal socio-politique en Haïti





Le mot désolation est sans doute celui qui traduit le mieux le phénomène tragique que vit Haïti depuis 1804. La désolation n’est pas seulement une construction intellectuelle mais une situation réelle de non-appartenance à un monde commun comme le décrit le philosophe politique allemand Arendt dans son livre « Les Origines du système totalitaire »
« La désolation est une expérience radicale de non-appartenance au monde qui va à l’encontre des exigences fondamentales de la condition politique de l’homme »

Quand on dit désolation, on peut penser à la misère et à la pauvreté en Haïti. En fait on pense à des gens qui vivent entassées dans des bidonvilles, dans la promiscuité, la maladie, la violence, la précarité et la misère absolue et donc la non-appartenance à un monde commun.
Ces haïtiens défavorisés à tout point de vue mènent une vie inhumaine qui est en soi une violence extrême. Il ne faut pas s’étonner de voir que cette situation chaotique engendre la violence.Il y a la violence des autres dont on doit se protéger mais aussi de notre propre violence face à cette réalité de désolation.

Mon récent voyage en Haïti après le séisme m’a permis de constater à quel point la vie n’est pas respectée. Des haïtiens en viennent à exploiter et tuer leurs frères et sœurs sans état d’âme. On a l’impression de vivre dans un pays où il y a une absence totale de régulation, un État de non droit. Cette violence qui commence à devenir pathologique m’amène à poser la question : Où va Haïti?


En fait la désolation haïtienne n’est pas une fatalité dans laquelle se trouve une partie de la population mais une réalité rendue acceptable par la société.La chose la plus terrible c’est que cette désolation a été rendue acceptable en premier lieu par les pays du Nord qui n’ont pas accepté Haïti dans un monde commun. On connait toute l’histoire d’Haïti du 19ème siècle. Les pays du Nord ont considéré Haïti comme un pays failli et donc un pays incapable d’assumer son destin, un pays n’appartenant pas à un monde commun.
Mais ce qui est peut-être encore le plus terrible, c’est que cette désolation est rendue acceptable par la position des élites haïtiennes qui pour assurer leur statut et leur pouvoir économique n’hésitent pas à manipuler la vulnérabilité des déshérités au mépris des lois.Elles utilisent le label « Haïti, le pays le plus pauvre des Amériques” comme une force de capital social.
Si le séisme a appauvri les plus pauvres, il a aussi constitué pour une partie de la population un moyen d’enrichissement. Les organisations non gouvernementales (ONG) d’Aide au développement sont pour la plupart des agences privées opportunistes qui s’enrichissent au non de la pauvreté de la population.
La désolation c’est le bannissement de la population à elle-même. Loin d’être un phénomène naturel la pauvreté de la population est entretenue dans un rapport d’inclusion et d’exclusion par ceux et celles qui se revendiquent le droit, l’autorité morale de parler au nom du peuple.
Lorsqu’un politicien haïtien déclare qu’il faut faire sortir la population de sa condition de dépendance économique, il s’adresse à cette population et en même temps il l’exclut. La problématique d’inclusion de la population a été toujours abordée en surface par les hommes politiques dans des discours qui ne sont jamais concrétisés dans la réalité.


Effectivement Haïti en termes d’exclusion atteint des sommets sans précédent parce que 80% de la population vivent sous le seuil de la pauvreté. La question qu’on peut se poser est le rapport entre les 20% et les 80%? Justement ce rapport ne peut pas être véritablement un rapport de citoyenneté parce que ce clivage est trop profond.


J’ai assisté l’année dernière à un symposium à l’Université d’Ottawa dont l’objectif est de favoriser un dialogue entre acteurs issus d’horizons divers (gouvernements, agences de coopération, Nations Unies, ONG, universités, communauté haïtienne). Plusieurs intervenants du monde universitaire et politique dont l’ex Gouverneure Générale du Canada Madame Michael Jean et le sociologue Franklin Midy ont pris la parole pour parler de reconstruction d’Haïti après le séisme du 12 janvier 2010.


Tous ces symposiums et ces colloques de reconstruction d’Haïti demeurent de la rhétorique sans résultats concrets parce que précisément il n’y a jamais eu de vrais débats entre les acteurs de la société haïtienne.


Il fallait quand même se demander : Qui en fait est vraiment intéressé à cette refonte de l’État haïtien? Pourquoi ces 20% seraient tout d’un coup intéressés par rapport à ces 80% qui sont exclus?


Est-ce que La communauté internationale et les ONG étrangères vont repenser leur approche qui n’a pas toujours été orientée vers un développement durable ?


Je suis allé à Haïti à plusieurs reprises et je peux constater à quel point la situation de mon pays se détériore de jour en jour malgré les belles promesses de reconstruction. Le constat est alarmant et pathétique. Après le séisme, l’épidémie de choléra est arrivée. Les conditions matérielles de pauvreté, de maladie et de promiscuité de la population se sont amplifiées considérablement. La grande partie de la population vit dans un univers instable. Elle a perdu ses repères spatiaux et temporels.


J’avais pensé que le séisme du 12 janvier allait permettre une solidarité rationnelle entre la société civile les élites haïtiennes, les mouvements politiques, le gouvernement et la communauté internationale en vue de construire un monde commun, une société égalitaire, un État de droit.


L’absence de vrais débats sur les vrais enjeux démontre la difficulté profonde de faire changer les choses. L’improvisation, l’intolérance, la violence, la politicaillerie ne font que nous rappeler les vieilles luttes intestines qui ont toujours marqué notre histoire.


Combien de temps faudra-t-il après plus de deux cent ans d’histoire au peuple haïtien pour qu’il réalise qu’il se bat contre lui-même et devient la risée des étrangers? C’est désolant de constater la gravité de la situation sociale, politique et économique de ce pays.

Désolation sociale


Que s’est-il passé pour qu’on arrive à cette désolation sociale? Le non-respect de l’autre, les passions obscures, l’intolérance, la dépravation sont caractéristiques d’une société haïtienne malade. Devant une crise institutionnelle aussi grave, il faut que des hommes et des femmes s’élèvent au nom des valeurs de justice et de responsabilité citoyenne, se prennent en mains et créer un espace public dans la poursuite des objectifs communs.


Il en va de notre responsabilité individuelle et collective de changer les choses. Nous devons changer notre mentalité esclavagiste qui consiste à nous détester et changer le vieux dicton qui veut que le plus grand ennemi d’un haïtien est un haïtien.


Dans cet effondrement social et cette crise de valeurs l’éducation en Haïti traverse une crise sans précédent.


Qui ne se rappelle pas des grandes institutions scolaires et de nos grands hommes qui ont fait notre honneur à l’étranger. Aujourd’hui les grandes écoles ont perdu leur aura. La culture de l’effort fait place à la médiocrité. L’école haïtienne ne fait plus rêver aux haïtiens.


Dans un pays en manque de ressources professionnelles qualifiées nous devons innover en créant des vraies écoles professionnelles et de métier pour nos jeunes et utiliser les ressources de la diaspora professionnelle haïtienne.


Il faut au-delà des promesses électorales de la gratuité des écoles, des états généraux de l’éducation pour une réforme éducative en profondeur.


Je comprends mal aujourd’hui que les universités d’État sont gratuites alors que ces professionnels une fois gradués s’expatrient pour des raisons économiques ou réclament des montants exorbitants pour leurs services offerts à une population qui n’a pas les moyens.


Quand il s’agit d’éducation on doit penser d’abord à la qualité et non à la gratuité. Quand un pays se vide de ses ressources professionnelles qui sont obligées de s’expatrier à l’étranger le problème de qualité devient de plus en plus complexe. À peine 2% des haïtiens ayant reçu des bourses pour étudier à l’étranger, sont retournés travailler en Haïti après leur formation?


Un gouvernement haïtien qui fait l’éducation sa priorité devrait innover en créant des mécanismes et mettre en place des structures favorisant la rétention de ses ressources.


C’est dans ce contexte de transfert de ressources de la diaspora professionnelle que se situent nos deux compagnies technologique et socioprofessionnelle


  • haitiGrandanse technologies Inc. (www.haitigrandanse.com ), une compagnie technologique incorporée au Canada qui a comme vecteur l’éducation et le transfert des ressources de la diaspora professionnelle du département de la Grand’Anse.
  • Gradga une organisation socioprofessionnelle de Réflexion et d’Action pour le développement de la Grand’Anse qui regroupe les professionnels Grand’Anselais de partout.



Désolation politique


Sommes-nous fiers de notre chemin parcouru depuis notre indépendance?


Je doute que la réponse soit positive. Mon dernier voyage en Haïti m’a permis de constater une société qui a perdu ses repères et un État en crise continue.


Peut-on dire que le mal politique haïtien est le fruit de l’ignorance ou d’un aveuglement volontaire d’une classe politique obsédée par le pouvoir de s’enrichir à tout prix? Sans entrer dans une explication métaphysique je choisis de porter ma réflexion sur approche éthico-politique de la banalité du mal et de la corruption en Haïti.


Je dois admettre que la classe politique haïtienne n’a pas le monopole de la corruption. Dans les pays développés, on peut lire dans les média des élus qui ont reçu des pots-de-vin, des fonctionnaires accusés de corruption. En Haïti, le danger c’est que la corruption est institutionnalisée et le mal politique banalisé. Dans son article, la corruption à forme pyramidale, paru dans Haïti Nation le 7 juillet 2010, Renald Luberice décrit la corruption en Haïti comme des microsystèmes superposés.


« La première couche (au niveau de l’administration) étant l’ensemble des racketteurs. Chacun est rattaché à un supérieur hiérarchique, généralement le directeur de l’institution en question (deuxième couche). Ce directeur, lui, est redevable à son supérieur qui est dans une instance nationale (direction générale, parlement, ministère, etc. – troisième couche). »



Dans une étude publiée en 2003 par Transparency International, sur l’Indice de Perception de la Corruption, Haïti a été classée en 3ème position parmi les nations les plus corrompues de la planète. La Justice se classe dans le premier rang et l’administration des douanes au second rang parmi les institutions les plus corrompues en Haïti.


Quand des juges et des magistrats sont considérés comme des escrocs professionnels, Il faudra beaucoup du gouvernement actuel pour renverser cette situation de désolation politique dans la fonction publique.


Pour combattre le népotisme, la corruption dans ce pays, il faut établir un code d’éthique et de déontologie pour toute la fonction publique qui réglementera le comportement des fonctionnaires et des autorités publiques à tous les échelons de la hiérarchie.


Ce qu’il nous faut dans ce temps de malheur c’est précisément un gouvernement responsable avec un projet de société qui peut moraliser et moderniser l’administration publique et ainsi canaliser les aspirations fondamentales de la première République nègre.


Si comme le dit Aristote « Seul le meilleur doit servir l’État », nous ne pouvons que souhaiter que la refonte de l’État haïtien doit passer par des hommes et des femmes compétents qui d’un point de vue éthique et politique sont parmi les meilleurs.


Désolation économique


Dans un pays ou l'insécurité et l’instabilité politique règnent de façon permanente, Il devient normal que l'économie en souffre. C’est un secret de polichinelle de dire que l’économie haïtienne est malade.


Haïti était un pays encore agricole avant la fièvre porcine en 1978. Sous la pression des USA, du Canada et du Mexique qui craignaient pour leurs industries, le gouvernement de Jean Claude Duvalier a procédé à l'abattage de tous les porcs en Haïti. Michel William, dans son article Toute la vérité sur le massacre du cochon créole explique la responsabilité politique des élites haïtiennes vis-à-vis de la paysannerie.

« Le problème porcin n'a pas été un problème de cochon créole et il ne sera jamais un problème de cochon créole. Il est un problème de vision économique et de responsabilité politique des élites vis à vis de la paysannerie. »


C’est l’un des plus grands coups portés à notre paysannerie qui ne s’est jamais revenue de ce crime. Quand le paysan se fait voler sa réserve bancaire, il ne lui reste que son lopin de terre qu’il a toujours travaillé sans aucune aide technologique.


Aujourd’hui le pays produit à peine la moitié de ce qu'il consomme. Les paysans laissent de gré ou de force leur milieu pour venir grossir les bidonvilles de Port-au-Prince et d’autres villes de province pour se convertir en chauffeurs de taxi.


Le pays à vocation agricole dépend pour sa subsistance de l’aide de l’étranger. Justement ce qu’il nous faut c’est une réforme agraire qui suppose une politique agricole moderne qui pourra mettre en valeur nos ressources et faire travailler la paysannerie.

Je conçois mal que les politiciens haïtiens qui sont en majorité fils de paysans n’ont jamais rien fait pour aider la cause paysanne. Il ne fait aucun doute que la reconstruction du pays passe par la relance de l’agriculture. Haïti est un pays de paysans et trop souvent nos élites complexées semblent évacuer cette réalité.


L’industrie haïtienne est presque inexistante. Les cultures comme celle du café et du cacao sont chose du passé. Heureusement il y a les envois pécuniaires de la diaspora haïtienne qui représentent environ 1,5 milliard de dollars, soit trois fois le budget de l'État. Si la diaspora est exclue dans les affaires politiques comme le veut la Constitution haïtienne, son argent est bienvenu. Le gouvernement actuel a su en profiter en imposant un pourcentage qui dit-il servira à l’éducation. La politique haïtienne n’est pas une science et ce n’est pas avec la rationalité qu’il faut comprendre les comportements politiques de nos politiciens.


Il y a aussi une partie de l’économie qui provient du trafic de drogue. Selon l’American Drug Enforcement Administration, un sixième de la cocaïne colombienne entrant aux États-Unis arrive d'Haïti, le plus souvent par la Floride. La lutte menée ces dernières années par la DEA, l’Agence américaine de lutte contre le trafic de drogue contre les narco trafiquants a réduit considérablement ce commerce illicite sur le territoire. Dans son article sur le trafic de la drogue en Haïti paru dans le journal Le Monde le 1er avril 2004, Jean-Michel Caroit explique l’implication des autorités haïtiennes dans ce trafic très lucratif.


Que dire de l’élite économique haïtienne qui continue de s’enrichir, parfois avec l’aide d’entreprises étrangères qui profitent du coût dérisoire de la main-d’œuvre haïtienne.


Dans ce contexte de crise institutionnelle et politique, crise des valeurs, crise de société, nous avons la responsabilité citoyenne de nous interroger sur notre avenir. La désolation en Haïti n’est pas une fatalité. Il y a moyen de sortir du système de la corruption qui comprend le corrupteur, le corrompu, la victime, et les bénéficiaires si chaque haïtien décide de changer les choses. Notre incapacité à nous gouverner a forcé l’ingérence des forces multinationales, mettant le pays sous tutelle par une occupation militaire indirecte dite d’arbitrage et de maintien de la paix connue sous le nom de la Minustah.


Haïtiens et haïtiennes de tous horizons, sachez que la reconstruction d’Haïti ne se fera pas par miracle. Nous vivons une époque difficile de notre histoire. Le moment est venu pour que des haïtiens intègres, des artisans du changement s'élèvent au nom de leurs convictions profondes et montrent le chemin à ceux et celles qui sont désabusés et qu'ensemble avec l’aide de la communauté internationale nous puissions bâtir un pays. Si nous voulons la liberté, nous devons combattre pour elle.

Je termine avec le grand Nelson Mandela : «Quand un homme a la ferme conviction qu'il a tout fait pour faire avancer son pays, il a le droit de reposer en paix dans l'éternité. »


Phanel Xavier, Président haitiGrandanse Technologies Inc. Et GradGa (Groupe de Réflexion et d’Action pour le développement de la Grand’Anse)


www.haitigrandanse.com


Rubrique: Divers
Auteur: Phanel Xavier | phanelx@hotmail.com
Date: 11 Sept 2011
Liste complète des mémoires et travaux de recherche