L'amnistie est-elle criminogène?de Moussa Youssouf Maiga| JobPaw.com

L'amnistie est-elle criminogène?


La démocrtaie et les droits de l'homme ne peuvent pas éternellement laisser dans la nature des criminels dans la nature. Le vrai droit (resta) doit disqualifier le droit de l'amnistie.
Définition : selon le dictionnaire Larousse Classique, amnistie vient du grec amnêstia, qui signifie pardon. C’est l’acte du pouvoir législatif qui efface un fait punissable, arrête les poursuites, anéantit les condamnations.
La question de l’amnistie au-delà de son caractère législatif, fait fi, pourrions-nous dire de la dimension éthique. C’est à mon sens Hannah Arendt qui a su mieux que nos législateurs modernes, d’insister sur la difficile acceptation du Pardon. De fait nous quittons la sphère juridique pour entrer de plain-pied dans le remord, dans la psychê, dans la conscience morale du criminel. Comment reconnaître son forfait, sa cruauté, son inhumanité, pour pouvoir demander pardon à la victime, ou aux victimes ? Un procès, qu’il relève du Tribunal international, ou d’une juridiction nationale, peut-il faire effacer l’acte criminel, effacer la souffrance de la victime ? Aussi longtemps que la victime elle-même ne l’efface pas de son propre chef, c’est-à-dire arrive à ce niveau du sage qui comprend, et accepte ce qui devrait arriver, il aura toujours le désir de vendetta ? La sanction du juge est-elle suffisante pour faire effacer un crime ?
Les juges ont cette facilité à demander au criminel de reconnaître son forfait, et de demander aux jurés de prendre en considération certains facteurs : la vieillesse, la maladie, l’ignorance du criminel au temps de la commission du crime, la contrainte, etc. Et de contraindre moralement la victime à la lumière de l’état de la prendre de le pardonner. Mais, amnistier un criminel, n’est-ce pas encore nuire à la loi ? N’est-ce pas être condescendant vis-à-vis des anciens criminels.
Il faut ma foi reconnaitre le talent d’Aristote en matière de jugement des criminels. Si Socrate et Platon peuvent alléguer l’ignorance de l’individu, au sens où justement Socrate affirmait que : nul ne commet le mal que par ignorance, donc qu’il agi involontairement. Aristote lui soutient la thèse du libre arbitre de l’homme de tout homme. La délibération, la conscience claire et nette de l’acte doit être retenue en tout lieu. Il n’y a pas par conséquent pas d’Excuse pour celui qui commet un acte criminel, que ce soit un enfant ou un adulte aussi longtemps qu’il n’est pas établi cliniquement qu’il n’est plus maître de ses facultés.
Les grecs tiennent en estime la notion de faculté. L’homme, tout homme qui dispose de ses facultés_ ses sens_ est responsable de ses actions. Donc comment demander à un criminel qui a délibérément commis des atrocités, des meurtres abominables (comme nos tyrans africains, Bokassa, Hussein Habré, Omar el Béchir au Soudan, Laurent Bagbo, qui commettent des crimes aux yeux de tous) des crimes contre l’humanité qu’il a mal agi, et de reconnaître son mal ? Et qu’à partir de ce moment, les lois vont être clémentes à son égard. Mais pense-t-on sérieusement aux victimes ? n’est-ce pas légitimer le crime ? Hannah Arendt a raison dans la condition humaine de l’homme moderne de s’indigner par expérience, de cette procédure irrationnelle.
Depuis l’instauration des tribunaux internationaux pour juger les auteurs de crimes contre l’humanité, l’amnistie a eu ses heures de gloires, car certains criminels qui osent dénoncer les auteurs protagonistes, qui aident les tribunaux à trouver les grands auteurs peuvent jouir d’une certaine amnistie. Ces pratiques judiciaires, la reconnaissance de l’amnistie par certaines constitutions, en Afrique et dans certains pays en retard sur le Vrai droit (recta, recta logos) sont des atteintes au droit de l’homme.
En Afrique, une nouvelle pratique sournoise de l’impunité est en train de faire son lit : nous voudrions parler de l’amnistie de certains criminels. Agir contre les lois établies, prendre les armes contre un Etat souverain _ rebellions, guérillas, violer la constitution, détournement des fonds publics, etc., sont autant de délits et de crimes insusceptibles de pardon.
Nul n’est censé ignorer la loi. Et Kant à ce propos a raison de dire dans son traité de paix perpétuelle : « fiat justitia, pereat mundus, c’est-à-dire « il faut que la justice règne quand bien même tous les coquins dans le monde devraient périr » (Traité de paix perpétuelle, Appendice, Ed. bilingue, trad. De J. Gibelin, Vrin, 2002, p. 113).
Il est paradoxal de constater à quel point nos contemporains s’attristent, se révoltent quand des malfrats de par le monde enlèvent la vie aux autres citoyens [assassinat de deux français au Niger, par Al-Qaida M.I]. Mais quand il s’agit de condamner fermement et avec la rigueur les criminels, on s’émeut, les médias férus d’émotion se donnent à pleine joie. Certes, croient-ils, il a mal agi par le passé, mais aujourd’hui on peut lui pardonner son geste. Certains Etats vont même jusqu’à amnistier les criminels ? Agir de cette manière, c’est nuire au DROIT. C’est également encourager le crime, la perfidie politique et la violence lors des troubles politiques en Afrique et ailleurs.
Nous pensons à la suite de Kant que le droit doit régner, autrement, on est lancé sur la pente du pardon perpétuel, et donc à l’hégémonie du crime sur le droit. La criminalité aujourd’hui a pris des proportions incommensurables qui répugneraient Kant au pardon. Il faut plus de rigueur dans la sanction des crimes. Pour ce faire, il faut comme l’a enseigné Kant : « que l’Etat ait une constitution intérieure établie suivant les purs principes du droit ». Le droit par principe doit punir. Donc l’amnistie de ce point de vue est antithétique avec les principes du droit.
La fâcheuse attitude politique et juridique qu’ont nos Etats qui sont aussi coupables, est de laisser les criminels s’envoler, jusqu’à ce que le temps efface leurs forfaitures et dilue les sentiments de vengeance des citoyens. Nous avons des institutions telles qu’Interpol, et des cabinets de recherches des criminels en fuites [Cabinet TREVI Investigations & Security, au Niger]. Un Etat qui veut sérieusement rendre la Justice à son peuple a aujourd’hui plusieurs possibilités pour arrêter et déférer les criminels devant ses tribunaux.
Aujourd’hui l’ex-président Hussein Habré s’est réfugié au Sénégal profitant de la bienveillance de son homologue sénégalais. Comment dans ses conditions, la Justice peut-elle régner, si nos propres dirigeants couvrent des criminels et se rendent complices et solidaires des actes criminels. Epicure (maximes XXXIV-XXXV) disaient à ce propos qu’il ne sert à rien pour un délinquant de fuir la Justice, de se cacher indéfiniment, mais de se livrer à la justice afin d’avoir la paix de l’âme. L’intérêt pédagogique d’Epicure en matière de droit pénal, est d’avoir montré que ce n’est pas à la loi de pardonner, mais c’est le délinquant lui-même qui doit venir avouer son action s’il veut espérer le pardon, ou la clémence de la loi. En clair pour Epicure toute action injuste, ou criminelle mérite sanction, au prorata de l’infraction commise. Ainsi seulement est possible une société juste et soucieuse de la sécurité publique.
Il suit donc que l’amnistie est pénalement une violation du droit de punir. Kant aussi est d’avis avec Epicure de punir les méchants : « s’il y a moins de méchants, le monde n’en périra pas pour cela. Le mal moral possède ce caractère, inséparable de sa nature que ses desseins lui sont contraires et contribuent à sa ruine (notamment dans les relations des méchants avec des gens animés des mêmes intentions), et il fait ainsi place au principe (moral) du Bien quoique ce progrès soit lent » (Projet de paix perpétuel, op.cit, p. 115).
Ceci étant considéré, revenons au commencement des choses.
La révolution démocratie tunisienne inaugure une nouvelle ère du vrai droit (recta) : les responsables des crimes contre le bien, contre les intérêts du peuple doivent payer. Il que la justice encore une fois se fasse, même si les coupables doivent périr. A Haïti, Jean Claude Duvalier a maximisé sur le temps espérant que le peuple allait l’accueillir en héros. Idiot d’un homme politique. Avidité du pouvoir, irrespect pour le peuple. En fait il a donné après son arrivée à Haïti raison à Epicure, quand il disait dans sa maxime XXXV ce qui suit : «il n’est pas possible à celui qui commet clandestinement quelque chose de ce que les hommes ont convenu entre eux de ne pas commettre pour ne pas faire du tort ni en subir, d’être sûr qu’il ne sera pas découvert, même si, dans le présent, il y échappe dix mille fois, car, jusqu’à sa mort, l’incertain est s’il continuera à n’être pas découvert » ( Epicure, lettres et maximes, trad. Marcel Conche, PUF, 2005, p.243).
Aujourd’hui les peuples africains sont en train de revenir à la démocratie révolutionnaire. Par conséquent il temps que ceux qui ont commis des actes nuisent contre leur peuple de revenir devant la justice de leur pays et d’avouer leurs forfaits. Ainsi est possible le pardon, mais pas l’oubli. Car le pardon ne peut pas effacer les crimes commis. Mais seul temps et la sagesse permettent cette grande acceptation de la douleur. Car comprendre et accepter, c’est devenir sage.
Nous terminerons cette réflexions en rendant hommage à la réflexion de Jean-Marie Crouzatier, qui dans son article « la difficile sanction du crime de Génocide, l’exemple du procès des ‘‘Khmers rouges’’ a bien vu la difficulté pénale et morale de l’amnistie. L’Amnistie des criminels, nous place dans un état d’injustice, de complicité au crime. Certains Khmers Rouges continuent de jouir de l’impunité, ce qui est foncièrement une injustice. Le problème de fond, c’est que si Pol Pot et d’autres ont été condamnés par contumace, d’autres continuent à jouir de l’impunité, et sont in fact quasiment amnistiés. La plaie de ce génocide Cambodgien est encore béante, et risque de refaire surface. Et les complicités sont partagées entre les Américains et les nouvelles autorités du Cambodge.
A terme, il faut dire que l’amnistie est suicidaire. Elle est à l’image d’un volcan éteint. Rien ne prémuni les autorités Cambodgiennes à l’avenir sur une éventuelle vendetta du peuple. Accorder l’amnistie à des criminels qu’ils soient vivants ou morts, c’est poignarder les victimes. Cette réflexion, fait ressortir finalement la question pénale des coups d’Etat en Afrique. Il y a des traces pénales dans les coups d’Etats, et cela passe sous le silence des lois. C’est absurde, il faut revoir nos politiques et nos constitutions. D’où ma préoccupation : tous les coups d’Etats sont-ils innocents, amnistiables?
YOUSSOU MAIGA MOUSSA
DESS Sécurité Publique
Cabinet TREVI Investigation & security

Rubrique: Droit
Auteur: Moussa Youssouf Maiga | youssmaiga@yahoo.fr
Date: 19 Jan 2011
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