Quand prendra fin la dernière session de la 48e Législature en Haïti ?de Destin JEAN| JobPaw.com

Quand prendra fin la dernière session de la 48e Législature en Haïti ?


En principe, les Députés en Haïti entrent en fonction le deuxième lundi du mois de janvier. Cependant, les Députés de la 48 e Législature n’ont pas entré en fonction à temps, les élections pour renouveler intégralement la Chambre n’ont pas eu lieu. De plus, la loi électorale de mai 2009 a prévu qu’ils peuvent rester en fonction si élections n’auraient pas lieu. Or, la Constitution dispose autrement. Que faire ?
Quand prendra fin la dernière session de la 48e Législature en Haïti ?

Sous le régime constitutionnel de 1987, la Chambre des Députés siège en deux sessions ordinaires annuelles de durée inégales. La première session va du deuxième lundi de janvier au deuxième lundi de mai, alors que la seconde session va du deuxième lundi de juin au deuxième lundi de septembre (art. 92-2). Par ailleurs, la Chambre des Députés est renouvelée intégralement tous les quatre ans et la durée du mandat des Députés forme une Législature. En conséquence, une Législature comporte huit sessions ordinaires. De plus, en son article 92-1, la Constitution de 1987 prescrit expresis verbis que les Députés entrent en fonction le deuxième lundi de janvier.

En l’espèce, les élections générales de Février 2006 en Haïti ont permis, entre autres, l’avènement de la 48e Législature. Cette Législature devait normalement entrer en fonction le deuxième lundi de janvier 2006. Or, les élections n’ont pas été organisées à temps pour permettre au pays de fonctionner dans la normalité institutionnelle. Donc, on l’aura vitement compris, le temps constitutionnel pour l’entrée en fonction des élus à la Chambre des Députés n’a pas été respecté. Néanmoins, pour ne pas enliser le pays dans la gestion de situations exceptionnelles à n’en plus finir, les Députés de 2006 devaient quand même laisser le pouvoir le deuxième lundi de janvier 2010 pour permettre à la 49e Législature d’entrer en fonction à cette date, d’autant que la 48e a déjà compté huit sessions ordinaires.

Du reste, le problème majeur vient du fait que les élections pour le renouvellement intégral de la Chambre des Députés n’ont jamais eu lieu. D’ores, plusieurs questions reviennent à la table :

1. Faut-il garder les Députés de la 48e en poste jusqu’au deuxième lundi de mai comme le prévoit la loi électorale de mai 2008, puisque les élections n’ont pas eu lieu comme prévu en novembre 2009 ?



Ceux-là qui sont pour le maintien en poste des Députés de la 48e Législature peuvent avancer les arguments suivants :

a. La prorogation de mandat sous condition est prévue par un texte de loi, en l’occurrence la loi électorale de mai 2008. Or, la condition prévue est réalisée, puisque les élections prévues en novembre 2009 n’ont pas eu lieu. Donc, la volonté des Députés de rester en poste aurait un fondement légal.

b. Le départ des Députés occasionnerait un vide institutionnel. La discontinuité institutionnelle a toujours marqué le régime politique de 1987 ; il faut en finir. Il ne faut pas donner au Président Préval ni au Premier Ministre l’occasion de diriger le pays sans le Parlement.

Par ailleurs, ceux-là qui ont l’opinion contraire peuvent soutenir les arguments suivants :

a. Une loi électorale ne saurait prévoir une prorogation de mandat pour les Députés ; c’est contraire à toute orthodoxie dans un ordre juridique interne hiérarchisé comme le nôtre. La Constitution, hiérarchiquement supérieure à la loi électorale, interdit toute prorogation de mandat pour les Députés (art. 111-8). Donc, cette disposition de la loi électorale est scélérate et pour cause, ne doit pas être prise en compte par les autres pouvoirs publics. Elle n’a pas été frappée d’inconstitutionnalité, certes, cependant, eu égard à notre modèle de justice de constitutionnalité, il est très difficile de l’attaquer en inconstitutionnalité et de sentir rapidement les effets d’un éventuel arrêt d’inconstitutionnalité. Définitivement, le Président de la République, chargé de veiller au respect et à l’exécution de la Constitution (art. 136), devrait venir à la rescousse, ne serait-ce que pour prouver sa non-culpabilité dans cette situation de fait.

b. Nous devons concéder aux défenseurs du maintien en poste des Députés au-delà du deuxième lundi du mois de janvier que la solution contraire crée automatiquement un vide institutionnel, puisqu’effectivement les élections de novembre 2009 n’ont pas eu lieu. Cependant, nous ne pouvons pas non plus les suivre dans leur voie tortueuse. C’aurait été préconisé le non-respect de notre charte fondamentale pour protéger une prétendue continuité institutionnelle. Le régime fonctionnera dans la normalité institutionnelle quand les élections auront été organisées à temps. Ce n’est pas par un coup de massue à la Constitution qu’il faut éviter le vide institutionnel. Imaginer le contraire aboutirait à s’engager dans une démarche de bas étage et avilissant.

2. Qu’aura devenu le Sénat de la République sans la Chambre des Députés ?

Le système législatif de la Constitution de 1987 est un régime bicaméral, puisque le Parlement est constitué de deux Assemblées. Nous pouvons même avancer qu’une certaine symétrie peut être observée entre elles dans l’exercice de leurs fonctions essentielles. Néanmoins, la Constitution marque sur plusieurs points la spécificité du Sénat. Ainsi, ce dernier pourra toujours interpeller le Gouvernement ou un ou plusieurs de ses membres ; il pourra toujours enquêter sur les faits et actes de l’administration, etc.

3. Les élections législatives pour le renouvellement intégral de la Chambre des Députés sont prévues pour le mois de Février prochain. Par voie de conséquence, les prochains élus, vont-ils attendre le deuxième lundi du mois de janvier 2011 pour entrer en fonction ?

Si l’on veut s’en tenir à lettre de la Constitution, la réponse est affirmative, puisque c’est ce que prescrit la Constitution en son article 92-1. Néanmoins, nous osons proposer de faire entrer en fonction le plus rapidement possible les nouveaux élus pour éviter le pire. Nous sommes déjà en dehors du cadre constitutionnel, donc nous n’avons pas à nous en sortir. Il faut malheureusement passer par ce « compromis politique » pour arriver à la normalité institutionnelle pour laquelle nous avons beau plaidé dans notre mémoire de licence en droit à la Faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince .

4. Que risque-t-il de se passer si les Députés manifestent leur volonté de rester en poste ?

De toute façon, tous les Députés ne resteront pas en poste. A ce propos, le Député de Pétion-ville, Steven benoit, a déjà martelé plus d’une fois que son mandat prend fin le deuxième lundi de janvier 2010. Pour le reste, s’ils décident de rester en poste, le Président de la République, René Préval, peut constater la caducité de leur mandat ; le Ministère de l’économie et des finances peut couper leur chèque ; ou encore ils peuvent continuer tranquillement à exercer le pouvoir, mais les actes qu’ils auront pris n’auront aucune valeur constitutionnelle… De toute façon, une éventuelle volonté de rester en poste serait davantage proche d’un suicide politique qu’une position en faveur de la normalité institutionnelle.




Fait à Pétion-ville, le 10 janvier 2010
Par Me Destin JEAN, Licencié en droit.


Rubrique: Droit
Auteur: Destin JEAN | destinjuriste@yahoo.fr
Date: 10 Jan 2010
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