Dumping fiscal ou fiscalité légère, un fer de lance de la relance économique d’Haïti.de John Earl Etzer Legros| JobPaw.com

Dumping fiscal ou fiscalité légère, un fer de lance de la relance économique d’Haïti.


La gestion des finances publiques occupe une place prépondérante dans l’ordre économique et sociale d’un pays. Les fonds collectés par l’Etat permettent de répondre aux investissements publics et aux dépenses de fonctionnement des différentes entités étatiques. Lorsque l’état collecte des prélèvements sur les contribuables cela réduit la marge dont ces derniers disposaient pour investir ou épargner. L’objectif principal de l’état est de prendre des mesures pouvant conduire à un développement économique durable. Dans le but de croitre le nombre des investissements, il est nécessaire de faciliter la pénétration et la création d’un plus grand nombre d’entreprises. L’une des mesures qui serait la plus appropriée pour la relance de l’économie haïtienne consiste en l’application d’un dumping fiscal.
Le dumping fiscal est défini comme « une Pratique consistant pour un État à diminuer délibérément certains de ses impôts ou taxes en dessous du niveau pratiqué par les régions concurrentes en vue d'attirer des entreprises ou des contribuables fortunés sur son territoire, ou de favoriser les exportations ». Il consiste à établir des mesures, des lois fiscales qui offrent des avantages comparatifs aux investisseurs étrangers et nationaux et d’accorder des allégements fiscaux pendant un certain temps à toute nouvelle entreprise. En Europe, on trouve plusieurs pays qui appliquent une fiscalité légère. C’est le cas de la Suisse, l’Irlande, le Luxembourg, La Hollande. L’Irlande applique le taux d’impôt sur les sociétés le plus bas en Europe soit de 12.5%.
En Haïti, certaines lois offrent des avantages alléchants à des investissements dans certains secteurs prédéfinis dans le code des investissements. Mais en analysant les catégories d’entreprises qui fonctionnent dans le pays, on constate que la grande partie de l’offre d’emploi est donnée par les petites et moyennes entreprises PME. Et les charges fiscales sont souvent très lourdes pour ces PME qui dans bon nombre de cas, se trouvent dans l’obligation de cesser leurs activités ou de rester dans l’informel. Les mesures de fiscalité légère devraient alors s’étendre à toutes les catégories d’entreprises et les modalités d’obtention des avantages fiscaux disponibles à tous.
Présentation du poids fiscal sur les entreprises.
Pour faire cette présentation, on utilise certains grands postes de l’état des résultats des entreprises. La base de calcul sera le chiffre d’affaire hors TCA à partir duquel on attribue des pourcentages représentatifs dans le but de déterminer les autres postes de dépenses d’exploitation. Prenons le cas d’une entreprise qui réalise mensuellement un million de gourdes de chiffres d’affaires (CA) ainsi que des dépenses estimatives calculées en fonction du CA. Le bénéfice avant impôt représente environ 24% du CA pour une entreprise commerciale et 44% pour une entreprise de service, sachant que l’impôt sur le bénéfice est de 30%.
Une analyse sur les principaux prélèvements fiscaux montre que pour une entreprise commerciale qui respecte les mêmes proportions de dépenses comme dans le cas précédent, les charges fiscales représentent 8% du chiffre d’affaire et 14% pour une entreprise de services. Cependant, au début de chaque exercice fiscal, il est fait obligation à toute entreprise de verser un acompte provisionnel représentant 75% de l’impôt effectivement payé ou à payer sur le bénéfice antérieur avant mi-décembre pour les entreprises de services et avant mi-février pour les entreprises commerciales. Ce qui constitue un poids de 14% sur la trésorerie des entreprises commerciales et 24% pour celles de services. Les conséquences d’un tel poids sur la trésorerie peuvent être très néfastes sur la rentabilité financière compte tenu du fait que beaucoup d’entreprises ont parfois recourt aux financements externes particulièrement à des prêts à court terme avec des taux d’intérêt exorbitant pour répondre à leurs obligations fiscales. D’autant plus, en leur qualité de redevables, les entreprises prélèvent au profit de l’Etat des taxes. Dans notre cas, on constate que les entreprises de services permettent d’apporter au trésor public environ 36,5% de leur chiffre d’affaire et 24% pour les entreprises commerciales.
Si l’on arrive à faire rentrer dans l’économie environ 100 PME par commune 50 dans chacune de ces deux catégories qui obtiennent des résultats similaires à l’illustration, on aurait 14,500.00 nouvelles entreprises à travers le pays. Cet accroissement d’activités sur le marché économique va générer des effets de boule de neige, il y aura création de richesse, il y aura plus d’emplois. Supposons que chacune de ces entreprises embauche 5 personnes, on aurait 72,500 nouveaux emplois et 362,500 nouveaux emplois sur 5 ans. Sachant que toute personne qui travaille supporte entre 4 à 6 autres personnes, on peut déduire qu’il y aura plus 1,812,500.00 bénéficiaires.
Les mesures fiscales à prendre pour attirer les investissements
L’un des moyens dont disposent les responsables économiques du pays pour attirer les investisseurs est la reconfiguration du champ fiscal par l’adoption d’une fiscalité légère ou en d’autre terme un dumping fiscal. Les modifications suivantes, si elles rentrent en vigueur, pourront attirer de nouveaux investisseurs.
1- L’Impôt sur les sociétés (IS)
En Haïti, ce taux est à 30% sur le bénéfice fiscal. Plusieurs pays de la région ont des taux sur les sociétés plus bas que le nôtre ; la République Dominicaine a un taux de 27%, la Jamaïque, la Barbade, le Guatemala sont à 25%, 22% en Équateur, 0% aux Bahamas et aux iles caïmans.
Dans un esprit concurrentiel, on pourrait garder un taux d’IS à 22% et accorder à toute nouvelle entreprise quel que soit son secteur d’activité, sa forme juridique, deux ans d’exonérations totale et un paiement partiel graduel de l’impôt à savoir 15% du tarif normal de l’impôt la 3e année, 30% la 4e année, 45 % la 5e année, 70% la 6e année et la totalité de l’impôt à partir de la 7e année. Cette exonération totale de l’IS lors des 2 premières années conduira, du coup, à résoudre une difficulté majeure dont font face les nouveaux entrepreneurs puisque ces derniers doivent payer l’IS presque deux fois après la première année car ils ont l’obligation de verser 75 % de l’impôt à l’Etat comme avance sous forme d’acompte provisionnel. Cependant, on sait que certaines personnes prendront le malin plaisir de fermer leurs entreprises après la fin de la période d’exonération pour en créer de nouvelles, il conviendrait alors d’associer les privilèges des avantages fiscaux non pas à l’entreprise elle-même mais à son ou ses propriétaires.
Supposons qu’on adopte un taux d’IS similaire à celui de l’Equateur soit 22% avec les avantages fiscaux susmentionnés, les 14,500.00 nouvelles entreprises procréeraient une augmentation significative de notre PIB à plus de vingt et un milliards huit cent vingt six millions de gourdes (21,826,000,000.00 HTG) dès la première année ; vingt cinq milliards deux cent vingt trois millions de gourdes (25,223,000,000.00 HTG) après leur 3e année de fonctionnement et quarante quatre milliards quatre cent soixante neuf millions de gourdes (44,469,000,000.00 HTG) par an à partir de leur 7e année.
2- La taxe sur le chiffre d’affaires (TCA)
Notre système fiscal adopte un taux fixe de 10% pour la TCA. Les ventes des produits alimentaires sont assujetties au même taux que les produits de luxe. Une plage de taux en fonction des types de produits pourrait être adoptée ainsi:
a)un taux réduit à 6% pour les produits de consommation non durables liés aux besoins fondamentaux,
b) un taux augmenté à 12% pour les produits de luxe, une liste de ces produits peut être établie par une instance réglementaire
c) le taux normal de 10 % pour tous les autres produits
3- La Contribution foncière des propriétés bâties (CFPB)
La CFPB est un impôt communal prélevé au profit de la collectivité territoriale. Cet impôt est toujours source de conflit parce qu’il n’existe pas une approche scientifique pour la détermination de la base taxable. Le montant de l’impôt se calcule au gré de l’évaluateur. On évalue la base taxable sur la valeur locative de l’immeuble. Il serait mieux d’adopter une méthode de liquidation de cet impôt à partir du coût de construction par m2. Ces valeurs seront fixées tous les six mois par une instance réglementaire. Les tarifs de cette taxe pourraient être repartis selon les barèmes de l’article 22 du budget 2015-2016. Cette mesure va, d’une part, résoudre les conflits répétitifs et d’autre part, encourager les propriétaires à achever et à embellir leurs maisons ou leurs appartements.
5- Les taxes communales
Les taxes communales telles : droites d’affichage, droit d’alignement, ne doivent pas être laissées à la discrétion des mairies pour la fixation des tarifs mais définies par une instance déléguée par le pourvoir central dans le but d’éviter que ces taxes soient augmentées régulièrement.
La croissance de l’économie est fonction, en grande partie, de la performance des entreprises. On évolue dans un cadre économique mondial où il n’existe presque pas de barrière. Les investisseurs potentiels cherchent des opportunités, des environnements d’affaires qui leur permettent d’avoir un meilleur rendement. De ce fait, sans passer outre des lois internationales sur le commerce, les dirigeants du pays peuvent appliquer des mesures de réforme fiscale qui se convergeront vers une approche de fiscalité légère ou un dumping fiscal même quand ce sera temporaire dans le but d’attirer de nouveaux investisseurs. Le dumping fiscal que j’évoque ne consistera pas à promouvoir un paradis fiscal mais de préférence d’accorder des mesures incitatives à toutes nouvelles entreprises quelle que soit leur forme juridique et leur nature d’activité.


John Earl Etzer Legros
Expert-comptable, CPAH,
Master II en Gestion Financière
Finissant en Génie Civil earl013@yahoo.fr

Rubrique: Economie
Auteur: John Earl Etzer Legros | earl013@yahoo.fr
Date: 6 Mars 2018
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