Les Haïtiens en mobilités, sont-ils des «héros» ou des «menaces»?de Vernando CODIO| JobPaw.com

Les Haïtiens en mobilités, sont-ils des «héros» ou des «menaces»?


Depuis des années, Haïti fait face à des crises politiques, sociales, économiques et écologiques incalculables et très souvent imbriquées. La vie des milliers de personnes est menacée. Comme conséquences, des jeunes quittent le pays, volontairement ou non, à la recherche d’un Eldorado fantasmé ou plus simplement d’une vie sociale et économique plus stable. Ces personnes en mobilités - je préfère de ne pas les appeler « migrants » car cette notion fait débat dans le milieu scientifique- sont pour certains des « HEROS » (si on fait référence à l’Anthropologue Michel Agier) et pour d’autres des « MENACES » pour le pays d’accueil. En France, j’ai travaillé dans une organisation qui encadre des migrants, précisément des Mineurs Non Accompagnés (MNA), j’ai fini par analyser que la migration est un phénomène mondial et pour comprendre ce phénomène nous devrions monter jusqu’à la période coloniale.

Des « Héros » parce qu’ils acceptent d’affronter de nombreux risques. Car avant même d’accéder aux pays espérés, ces jeunes sont obligés d’économiser pour le voyage, de traverser plusieurs frontières et de voyager pendant des kilomètres à pieds ou en bus. Nombre d’entre eux sont naufragés, tués ou abandonnés dans des zones désertes. Et même quand ils sont arrivés à destination ils n’ont pas encore atteint la dernière étape de leur recherche du bien être qu’ils imaginaient avant de partir (insertion et intégration).

Des « Menaces » par ce qu’au-delà de l’aubaine pour l’économie du pays d’accueil en constituant souvent une main d’œuvre à bon marché, en contribuant au progrès infrastructurel et au développement économique, avec la montée du chômage et les crises économiques successives que connaissent les pays d’accueils, ces mêmes personnes se sont vus rejetées et stigmatisées pour leur supposés incapacité à s’« assimiler » ou à s’« intégrer » à la société d’accueil. En d’autres termes, dans certains cas et dans certains pays, on les considère comme le bouc émissaire de tous les maux.

Par ailleurs, comme l’a si bien analysé le sociologue Abdelmalek Sayad, la personne en mobilité se trouve pris dans la tenaille de ce qu’il appelle la « double absence ». En effet, l’immigré est aussi un émigré. Il quitte sa terre d’origine, sa famille, ses réseaux d’interconnaissance, pour un pays qui ne le reconnait pas comme faisant partie des siens. N’ayant plus ses repères et souvent rejeté, le concerné se trouve ainsi en situation de précarité et d’insécurité.

Il ne faut pas négliger les effets déstructurant que ces migrations peuvent avoir, tant pour les familles que pour le développement économique d’Haïti, car ce sont généralement des jeunes et plus particulièrement des jeunes hommes qui partent.

Donc, parler de la migration des haïtiens, revient à parler de la mobilité, de vulnérabilité mais aussi de la quête de l’inconnu et en quelque sorte d’aventure. Cette recherche d’un monde meilleur se fait, de nos jours, des pays du sud vers les pays du nord contrairement à l’époque coloniale où les pays du nord étaient partis à la conquête des pays du sud. Il s’agit là d’un retournement historique dont on ne peut prendre la mesure qu’en adoptant la focale du temps long.

Vernando Codio,
Entrepreneur Social
Spécialiste en tourisme et patrimoine
Codiovernando68@gmail.com
France, Septembre 2017
Rubrique: Divers
Auteur: Vernando CODIO | codiovernando68@gmail.com
Date: 18 Dec 2017
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